Mgr Kpodzro, vous êtes un modèle de combat contre l’injustice. Le Togo a la chance de vous avoir. Je vous souhaite de vivre 120 ans, en bonne santé car le peuple togolais a besoin de vous, le gouffre duquel il doit sortir étant très profond.
Mr Kodjo Agbéyomé, je vous félicite pour l’intelligence avec laquelle vous avez mené votre campagne. Aux endroits où vous ne pouviez pas compter sur des foules, vous avez mis l’accent sur la qualité en vous immergeant dans la culture du milieu et en honorant les personnalités qui comptent pour votre public. Ainsi, en pays kabiyè vous pouviez compter sur l’électorat pro-Kpatcha et à Sokodé sur l’électorat pro-PNP. Avec cette tactique, vous comptiez sur un score honorable au Nord. Additionné au score fleuve que vous étiez en droit d’espérer dans le Sud, vous étiez sûr de votre victoire dès le premier tour. Et votre espoir a été concrétisé dans les urnes, le 24 février 2020.
Seulement voilà, avec une dictature, gagner dans les urnes n’est pas gagner l’élection. La CENI qui centralise les résultats des urnes avant d’annoncer les scores des candidats et de proclamer le vainqueur n’est qu’un machin fabriqué par la dictature. Son vrai rôle est de rendre le scrutin favorable au candidat du régime quels que soient les résultats réels des uns et des autres. Certes il y a la possibilité de réclamer. Mais les réclamations du gagnant des urnes vont atterrir sur la table du Conseil constitutionnel, autre machin aux mains du régime qui joue le même rôle que la CENI.
Vous avez l’énorme chance, Mr Kodjo, d’être soutenu en tant que vrai vainqueur des élections par une puissance, la plus grande puissance du monde, les USA. Un rappel pourtant. En 1992, il avait 10 ans que Paul Biya était au pouvoir. Cette année-là il y avait l’élection présidentielle. Paul Biya se représentait pour un troisième mandat. John Fru Ndi, un opposant, était candidat aussi. Le scrutin a été couvert par de nombreux observateurs dont le NDI américain. Les urnes ont largement plébiscité l’opposant John Fru Ndi. De nombreux observateurs dont le NDI ont reconnu cette victoire. Mais, avec le soutien de la France, la Cour Suprême a déclaré Paul Biya vainqueur. C’est lui qui est encore là en 2020.
Dans ce genre de situation, le soutien extérieur est bon, mais le soutien intérieur est mieux. Vous l’avez compris, Mr Agbéyomé Kodjo. Mais en matière de mobilisation des foules, vous n’êtes qu’un apprenti. On vous a peu vu lors des marches de la C14. Il semble que vous en avez même parfois réprimées. C’est pourquoi vous avez laissé au prélat qui vous parraine le soin d’appeler à la marche hier vendredi 28 février.
Erreur de gawa, vous avez gardé votre posture de candidat gagnant à qui un autre candidat veut voler la victoire. Cette situation où s’opposent deux candidats, l’un gagnant mais dont la victoire est en train d’être volée, l’autre perdant et voleur de victoire d’autrui, ne peut pas soulever les foules. Elle peut soulevez vos partisans, mais pas le peuple de l’opposition. Quand deux coqs se battent, la poule les regarde et attend le gagnant, elle ne prend pas parti.
Pour soulever les foules il aurait fallu (il faut, car ce n’est pas trop tard), s’élever à un autre niveau, celui où ce n’est plus le candidat Agbéyomé qui réclame sa victoire, mais celui d’une occasion offerte à un leader de l’opposition désigné par le suffrage de réunir toutes les fractions opposées à la dictature afin de terrasser le monstre par un soulèvement populaire général. Ainsi, quand un partisan de l’ANC, de François Boko ou de l’ADDI se lève, il ne se lève pas pour défendre le fauteuil de Agbéyomé mais pour contribuer à la chute de la dictature. C’est la condition pour inonder les villes de foules innombrables.
Dans cet esprit, ce n’est pas seulement le verbe qui devra changer, il faudra donner de solides garanties en convoquant toutes les branches de l’opposition pour décider ensemble de ce que devra être le mandat 2020-2025. Un mandat de nettoyage du Togo de toute forme de dictature et de remise en place des institutions démocratiques. L’union devrait se faire autour d’un programme commun de gouvernement afin que le mandat ressemble à cette Transition prônée par la C14.
Dieu fait des miracles. Pour ces élections, il en a fait deux. Le premier est la victoire dans les urnes de Agbéyomé Kodjo. Le second est le soutien des USA au vainqueur des urnes. C’est à nous, Togolais, de savoir en tirer profit en élevant le niveau de nos ambitions.
Zakari Tchagbalé