Résultats de la Présidentielle 2020 au Togo : Bienvenue au Gondwana !

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Samedi 22 février 2020. Quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, la Ceni communique qu’elle procédera à la proclamation des résultats provisoire dans la journée de Lundi. Le dimanche 23 Février, dans l’après-midi, le candidat du MPDD, Dr Agbeyome Kodjo porté par la dynamique Mgr Kpodzro, annonce devant la presse, sa victoire au premier tour avec un pourcentage qui se situe entre 57 et 61%. Les Togolais qui avaient alors cru à un saut d’élégance de la part de la Ceni rangée, avaient alors retenu leur souffle, pour crier leur hourra le lundi soir et embrasser bien sûr leurs bourreaux d’hier pour cette sortie honorable. C’est alors qu’ils apprennent qu’au lieu de lundi, la Ceni a précipité les choses pour être près déjà le dimanche même à 22h. La victoire autoproclamée d’Agbeyome aurait apporté un coup de magie dans les veines de cet organe dominée à 95% par les minci dominici du régime cinquantenaire. Et la scène sur la Télé nationale, a été celle de l’Union Soviétique (actuelle Russie). Seulement qu’ici c’est le Ministre de l’administration seul qui a applaudi les 72% déclarés pour le Prince Gnassingbé.

L’évangile selon la CENI

L’équipe à Tchambagou Ayassor a ainsi donné vainqueur, au premier tour, le président sortant et candidat de l’Union pour la République Unir, Faure Gnassingbé, avec 72,36%. Il est suivi des candidats Agbeyome Kodjo du Mpdd avec 18,37% et Jean Pierre Fabre de l’Anc avec 4,35% des suffrages. Les candidats Aimé Gogue, Wolou Komi, Kuessan Gorges et Tchassona Traoré se partagent le reste des suffrages avec respectivement 2,38%, 1,14%, 0,77% et 0,63%. Ainsi dit l’évangile selon la CENI de Tchambakou Ayassor. Des résultats que conteste, dans son ensemble, l’opposition qui fait cas de bourrages d’urnes et de fraudes massives qui remettent en cause, la crédibilité du scrutin.

Le Niet de Agbeyome…

Apres sa victoire déclarée dimanche dernier, Agbeyomé est revenu devant la presse, lundi, au lendemain de la proclamation des résultats provisoires. Le candidat des forces démocratiques dit rejeter catégoriquement les chiffres communiqués par la CENI et interpelle les missions d’observations électorales ainsi que la communauté internationale afin qu’elles prennent des dispositions idoines aux fins de rétablir la vérité des urnes. «Le taux de participation qui a progressé, de façon substantielle, relativement aux dernières élections, suscité par l’engouement de la Dynamique de Mgr Kpodzro, est largement en faveur du candidat des Forces démocratiques…Il est donc indéniable que cette élection est gagnée par le candidat du Mpdd, Dr Agbeyome Kodjo. En conséquence, les acteurs de la Dynamique Kpodzro rejettent catégoriquement les résultats proclamés par la CENI», a déclaré l’ancien Premier ministre qui a, dans la foulée, annoncé l’imminence de la composition de son gouvernement de transition qu’il annonce inclusif. Toutefois, après avoir interpellé les missions d’observation électorale et la communauté internationale à œuvrer pour le «rétablissement de la vérité des urnes, il appelle à la mobilisation et à la résistance de la population aux fins de rejeter ce qu’il appelle une «mascarade électorale» et défendre son vote.

…Appuyé par ses camarades de l’opposition

Malgré les sordides manœuvres du candidat Faure Gnassingbé sur toute l’étendue du territoire national, plus particulièrement au Nord du pays, les tendances montrent une percée indiscutable du candidat Agbeyome Kodjo, reconnaît de son côté le part Addi du candidat Aimé Gogue. «Malgré les irrégularités avérées, il paraît que le candidat Agbeyome a réalisé au sein de l’opposition une réelle percée devant permettre légitimement d’espérer l’alternance tant souhaitée par les togolais», écrit de son côté le parti Psr du candidat Wolou Komi. Pour l’Anc, par la plume de son premier vice-président, Patrick Lawson, par ailleurs Directeur de campagne du candidat Fabre, après que les accréditations aient été refusées ou retirées à des observateurs nationaux et internationaux sérieux et crédibles, il est donc indiscutable que ce score fantaisiste attribué à Faure Gnassingbé, manifestement fabriqué, a été préparé par la violence et la fraude, sans compter un cadre électoral et institutionnel partisan et antidémocratique, l’utilisation illégale des moyens de l’Etat par le candidat du parti au pouvoir et la rétention du financement public de la campagne des candidats de l’opposition. Sans compter que l’Anc a été le premier avant Addi et le Psr à annoncer l’arrivée du MPDD en tête du scrutin.

Joie et remontrances du pouvoir

Du côté du pouvoir où des milliers de militants ont été convoyés expressément de partout, y compris des villes de l’intérieur du pays, à la Présidence de la République à Lomé pour célébrer cette farce de victoire de Faure, l’on dit voir manifestement en ces dénonciations de l’opposition, des agitations de mauvais perdants qui ont du mal à encaisser leur défaite. « Ça fait voyou ! Il faut éviter des choses comme ça», lance le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Gal Damehame Yark, qui reproche au candidat Agbeyome Kodjo de devancer les institutions de la République en annonçant des chiffres qui, à en croire le Président de la mission d’observation de l’Union Africaine, n’engage que lui. Une mission d’observation qui, comme toujours et sans surprise, et à l’instar de celle de la Cedeao, juge le scrutin présidentiel globalement appréciable et sans imperfections et incidents majeures. «Un langage démodé «, répond, sans ambages, Fulbert Attiso, le Directeur de campagne du candidat Agbeyome qui, avant d’échanger longuement avec la mission d’observation de l’OIF, a promis l’ouverture d’un bras de fer avec le candidat déclaré élu, Faure Gnassingbé. « Ces agitations ne sont pas sans conséquences juridiques dans une démocratie «, menace, pour sa part, Gilbert Bawara qui fait office de porte-parole du gouvernement.

Bienvenue au Gondwana

Dans l’ensemble, les résultats tels que proclamés par la Ceni semblent ouvrir une nouvelle crise politique et post-électorale en perspective, si l’on s’en tient aux déclarations du camp Agbeyome qui clame toujours sa victoire. Mais qu’à cela ne tienne, une analyse objective des chiffres, quoique provisoires, amène à douter sérieusement de l’évidence du coup KO de Faure Gnassingbé. En effet, depuis son arrivée au pouvoir en 2005, c’est la première fois que Faure atteint ce score à la soviétique. Ceci, alors même que les problèmes de l’heure comme la misère, le sous-emploi et l’injustice sociale sont plus grands et perceptibles qu’avant. Lesquels ont failli, il n’y a pas longtemps, faire tomber le pouvoir des mains du régime cinquantenaire, au travers de la crise d’août 2017 qui a déchaîné et déversée dans les rues, des millions de togolais. L’on se demande donc légitimement par quelle alchimie Faure, en l’espace de deux ans, peut être plébiscité par une population qui l’a pourtant rejeté en grande partie. C’est un secret de polichinelle que le silence précaire qui règne actuellement dans le pays l’est par la force de la baïonnette, en témoignent les nombreux cas d’état de siège imposés à nombre de villes comme Sokode, Bafilo, Mango et Kpalime. De même que l’interdiction de fait à toute manifestation de rue.

Il est certes vrai que la désunion de l’opposition se veut un facteur régressif pour cette classe politique, il est tout de même claire que les chiffres tels que dispatchés donnent l’air d’un plat très indigeste de nouveau imposé à un peuple affamé à dessein. Mieux, le Togo est vraisemblablement à l’image de Gondwana, ce pays virtuel où tout est fait pour la gloire du Monarque absolu. Au Togo, du père au fils, les élections ont été tout sauf crédibles et la présidentielle de 2020 en est une illustration parfaite où la logique brute des esprits sans relief, la boulimie et le complexe de gribouille l’ont encore emporté sur la volonté du peuple à passer à autre chose sans règlement de compte, mais plutôt dans la résilience pour rattraper les autres nations où la lumière du sourire et de l’amour brille depuis les premières années où le vent de l’Est a soufflé sur leur territoire . Il faut donc être naïf ou limité dans son sens d’analyse pour croire à un tel score fleuve du candidat Faure, alors même que pour la première fois ces dernières années, le taux de participation a atteint le seuil de 76%.

Le boycott était-elle plus raisonnable ?

A voir le manque d’élégance des grues d’en face, ceux qui avaient hier critiqué la C14 pour son boycott du machin de législatives du 20 décembre 2018 vont certainement chercher à retourner ravaler leur vomis. Déjà en 2019 Fraternité avait demandé ce qui a changé de décembre 2018 à Juin 2019 pour que l’opposition qui avait hier boycotté les législatives pour les vices du cadre électoral choisisse alors de participer aux locales organisées avec le même cadre, sans changement d’un iota.

Aujourd’hui le score stalinien du 23 Février 2020, va on l’espère ramener au bon endroit ces esprits qui critiquaient hier le boycott de la C14 rien que pour critiquer. C’est ici qu’on comprend Tikpi Atchadam quand il disait qu’on ne peut parler d’élection sous ce régime. Et le Christ l’avait bien dit que nul n’est prophète chez soi. Vivement que les togolais reconnaissent prochainement les lignes prophétiques qu’un autre leader leur donnerait prochainement. Et cela ne sera possible qu’en faisant abstraction des considérations pernicieuses de région, de religion, du passé ou patati patata.

Source : Fraternité N°349 du 25 février 2020

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