La traite négrière et la responsabilité africaine.

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La quête d’authenticité qui devient de plus en plus recherchée par de nombreux africains éveille avec une acuité profonde la question de l’esclavage et avec lui celle de la colonisation. Et comme toute quête sérieuse, la question de l’esclavage nécessite qu’on la circonscrite en questionnant sa cause, son origine et ses protagonistes afin de faire en sorte qu’une telle infamie ne se reproduise plus. Comme John Powell le disait si bien « la seule véritable erreur est celle dont on ne retire aucun enseignement. » 

Toutefois dans cet effort de signifier cet événement, la tendance générale fut de blâmer les autres, les esclavagistes étrangers. En effet, il est très facile de voir la paille qui est dans l’œil de l’autre sans voir le tronc d’arbre qui est dans le sien.

Ainsi, quand on parle de l’esclavage ou traite négrière, cela nous renvoie automatiquement aux esclavagistes arabes (qui étaient eux même à majorité noirs)et aux européens. Notre esprit est si habitué à ce raccourci que nous en arrivons à oublier les responsabilités africaines. Et dans ce domaine le travail du professeur Tidiane Diakité publié dans son livre : La traite des Noirs et ses acteurs africains du 15ieme au 19ieme siècles, nous sera d’une grande utilité. Il y faisait savoir que « si l’histoire de l’esclavage et celle de la traite des Noirs sont généralement assez connues leurs dimensions spécifiquement africaines n’ont jamais fait l’objet d’une étude autonome, alors qu’elles constituent un des aspects essentiels de cette histoire. »

Avant que la traite ne devienne transsaharien et transatlantique, l’Afrique avait une forme d’esclavage inter-familles ou inter-villages, qui se présentait comme une servitude sous contrat ou esclavage par dette. A la différence que les peuples ou les personnes asservies avaient des droits. Ils mangeaient ce que leur propriétaire mangeait, se vêtaient comme leur maître. Et il n’y avait pas pour ainsi dire de différence entre un esclave et un homme libre.

Avec l’entrée en jeux des Arabes (qui étaient aussi de peau Noire) et des Européens la traite devient transsaharienne et transatlantique. Et en analysant objectivement les faits, nous pouvons accuser qui nous voulons mais l’on ne peut plus nier que le commerce des Noirs a été possible parce que les Chefs locaux y ont collaboré activement et volontairement.Car en ce temps (15ieme siècle), non seulement l’Europe n’avait pas les moyens financiers,ni militaire pour mener une expédition en Afrique afin de forcer tous les royaumes à vendre leurs sujets, mais aussi l’hostilité du terrain et du climat africain, ainsi que les maladies tropicales étaient pour eux de sérieux handicaps.

Certes, il n’est pas du tout question ici, de dédouaner les esclavagistes, ni de minimiser leur mauvaise foi. Mais on ne peut bâtir son authenticité qu’en regardant avec lucidité son passé. Il faut alors bien souligner que les Européens et les Arabes ne pourchassaient pas les Noirs comme du gibier. C’était un commerce respectueux de la loi de l’offre et de la demande. Nous ne pourrons néanmoins nier,les inévitables contrebandes comme la capture d’un Noir isolé dans une brousse. Mais pour l’essentiel des personnes vendues, tout s’est fait selon les règles d’un commerce que l’on jugeait alors légal, avec l’accord des Chefs locaux.

Tous les Rois africains n’ont pas participé à la traite. Et ceux qui s’y sont donné n’y ont pas participer au même degré. Le commerce des Noirs fut l’une des activités qui contribua à la prospérité de beaucoup d’empires africains d’alors. Ainsi, l’empire du Ghana, l’empire Songhaï, l’empire du Mali, se sont enrichis grâce au commerce des Noirs, à travers les razzias d’autres royaumes.Même si Soundiata Keita à travers la charte du Manden réglementera l’esclavage, cela ne sera plus respecter après sa mort. De même après le commerce transsaharien, beaucoup de royaumes africains se sont enrichis grâce au commerce transatlantique (Ashanti, Dahomey, Oyo, Khasso…). Donc la demande forte en esclave en Amérique et en Europe, amenait les royaumes africains à organiser des guerres avec leurs voisins pour approvisionner la traite en esclaves et s’octroyer en contre partie des armes, du blé, des lingots de fer…Ce fut par exemple le cas du roi de l’île de Kilwa qui a signé une livraison annuelle de 1000 esclaves avec un marchand français.  Et jusqu’à la fin du XIX siècle dans le sud-est de l’Afrique, ce commerce a atteint 30.000 esclaves par an.On estime à 250 000 livres en 1750, les revenus du roi Tegbessoudu Dahomey (qui régna de 1740-1774), obtenus grâce à une livraison d’environ 9000 esclaves chaque année.Celui-ci ne manqua pas même d’installer un représentant (Yovogan) à Ouidah pour négocier les ventes avec les Européens. Le roi Glélé, qui régna de 1858-1889, était aussi bien connu pour son goût pourle commerce des esclaves.  Et quant au Roi Guezo (1818-1858), il nomma Francisco de Souza (l’un des plus grands protagonistes du commerce d’esclave transatlantique) comme vice-roi de Ouidah en lui conférant tout pouvoir sur le trafic des esclaves dans le Royaume.Au su de tout ceci, Peut-on encore continuer à dédouaner les africains de n’avoir pas participer activement dans la traite, sans être dans une logique de victimisation honteuse ?

Il est donc lucide que dans notre critique de l’esclavage, nous ne perdions pas de vue la responsabilité des Chefs africains, nos ancêtres. Car c’est nous qui avions fait cela ; vendre nos frères et sœurs par dizaines de milliers sans compter ceux qui mouraient durant les razzias et ceux qui perdaient la vie avant d’arriver sur les marchés d’esclaves chaque année. Et ce, alors que nous n’en étions pas contraints.

La situation devint pis avec l’arrivée des fusils dans l’échange en Afrique (plus de 100 000 fusils chaque année). Le continent fut plongé alors dans une insécurité grandissante. Les peuples devinrent méfiants les uns envers les autres.Ceux qui étaient assez forts pour résister aux razzias s’engageaient dans une guerre interminable. Les faibles quant à eux, fuyaient ou se laissaient prendre comme esclaves.La traite a ainsi déstabilisé les sociétés africaines et c’est nous qui avions permis cela. Et selon Tidiane, les conséquences psychologiques sont à considérer car ce sont elles dont nous devons nous défaire. Celles-ci se présentent comme l’abandon de nos cultures, la tentation du gain facile, la préférence aux produits venus d’outre-mer.

Donc considérant tout ceci nous pourrons dire que le sous-développement de l’Afrique ne peut avoir pour unique responsable l’autre : l’Européen ou l’Arabe ou même le destin. Car on le sait fort bien, à part le Japon, les deux Corées, la Thaïlande et le Liberia, il n’y a pas un seul centimètre carré de cette terre ou les peuples n’ont pas été dominés, asservis et réduit en colonisation d’une manière ou d’une autre. L’Afrique ne fut donc pas le seul continent à avoir été sous la domination d’un peuple étranger. De même, la religion ne saurait être la racine des maux de l’Afrique comme beaucoup tendent à le faire croire ces derniers temps. Il faut le savoir,accueillir des religions étrangères n’est pas ce qui empêche le progrès d’un peuple.Le Bouddhisme en Chine, Japon… vient de l’Inde, le Christianisme en Europe vient de la Palestine, le Confucianisme répandu en Corée, Japon, Vietnam vient de la Chine. Il faut donc se refuser les conclusions hâtives dont le seul rôle semble consister à se cacher la face et ne pas oser voir sa propre responsabilité dans les erreurs de son passé.

Nous ne pourrons plus continuer à trouver des excuses à notre sous-développement en portant toute la faute à l’Occident,à l’Orient ou à l’esclavage. Nous pouvons faire mieux que de toujours jeter la pierre aux autres et refuser de commencer par changer les choses.L’histoire de l’Afrique n’a pas commencé avec la traite négrière et la colonisation. C’est pourquoi notre histoire doit continuer.L’Afrique doit évoluer. Nous avons assez fait le deuil.

Si nous voulons, culpabilisons qui nous voulons, renions toutes les religions mais si nous ne travaillons pas sur nous-mêmes, si nous ne travaillons pas à une unité entre les peuples africains nous serons toujours manipulés sur des bases des ethnies comme au Rwanda, ou des éleveurs contre agriculteurs comme au Nigeria, ou à partir du christianisme et de l’islam, ou encore sur des divergences de nationalité (Nigérian contre Sud-Africain, Congolais contre Rwandais…). Toute différence sera ainsi motif de conflits comme si ailleurs ces différences n’existent pas.Nous avons dès lors besoin d’une jeunesse engagée, d’une détermination patriotique et pragmatique. Nous devons allez à la rencontre des autres cultures sans perdre notre identité et emprunter leur technologie pour l’adapter comme la Chine.Mais d’abord nous devons résoudre le problème de la mauvaise gouvernance, du gaspillage des ressources qui n’ont rien à avoir avec la traite ou la colonisation ni les religions(chrétiennes ou islamiques…). L’Afrique doit évoluer, car le respect des Noirs partout dans le monde dépend de la façon dont les Noirs d’Afrique se feront « peuples » indépendants et fiers.Il nous faut donc retenir que si nos pays sont bien gouvernés et deviennent des puissances et si nous arrivons à produire nous-même et consommons nos produits(made in Africa), nous n’aurons plus besoin de réclamer du respect.Et ce combat personne ne le fera à notre place. Il nous faut être anticipateur sur le futur, et avoir le sens du sacrifice pour la Patrie. N’est-il pas vrai que le « Tigre ne crie pas sa tigritude » ? Alors réveille-toi Afrique mon cher Afrique, lève-toi de ton sommeil, car le monde attend depuis si longtemps ta part dans la construction de notre humanité.

Par : Yao Benois DOS REIS et De Viny (Vincent Yessonguiyeta SANOGO).

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