«…Et quand vous vous opposez, les invitant à un combat d´idées, ils disent : Appelons-le et donnons-lui quelque chose de ce que nous mangeons; certainement qu’il a faim. Quand vous refusez, ils cherchent à vous faire peur. Et quand vous résistez, ils cherchent à vous éliminer. Voilà le jeu démocratique au Togo.» Salifou Tikpi Atchadam
Dans tous les pays du monde où la démocratie et l´état de droit ont pu s´incruster durablement, c´est que les responsables politiques et les citoyens de ces pays-là ont pu s´entendre pour écrire et faire accepter par tous les textes qui fondent les bons principes d´un vivre-ensemble sans grands accrocs. Dans ces pays-là, la loi de la force a dû faire place à la force de la loi. Chez nous au Togo, tous les efforts déployés depuis plusieurs décennies pour arriver à construire une société humaine et civilisée, pour que les textes fondamentaux soient écrits et acceptés par tous, afin que la loi de la jungle, la loi du plus fort fasse place à la force de la loi, ont échoué.
Désormais, sous couvert d´une démocratie trompe-l´oeil, le dictateur peut envoyer des militaires de l´armée nationale, qu´il a privatisée pour son maintien au pouvoir, pourchasser un opposant, militariser et violenter sa région natale, parce que tout simplement il refuse de faire comme les autres qui ont adopté cette posture d´opposant qui, comme cet attaquant en football, pour des raisons que lui seul connaît, se trouve nez à nez avec le gardien adverse, et décide de renvoyer la balle au centre du terrain.
L´acharnement presque maladif du régime de dictature sur la personne de Tikpi Atchadam est d´autant plus étonnant que l´observateur que nous sommes, peinons à voir les raisons de cette persécution d´un citoyen qui ne demande qu´un peu de liberté et de démocratie pour son peuple. Certaines personnalités de certaines régions et de certaines ethnies de notre pays ont-elles plus de droits de s´engager en politique et de créer des partis politiques que les autres? Où est-ce à dire que la démocratie, l´état de droit et la réconciliation que la dictature militaro-clanique des Gnassingbé nous chante tous les jours sont des termes en l´air, et que tout n´est en réalité qu´une grosse arnaque d´état?
Des semaines bien avant le kidnapping de Yakoubou Moutawakilou, SG du PNP à Kpalimé, des militaires avaient investi le quartier Zongo de cette ville sans que l´on comprenne le but de ce déploiement des forces de défense. Des fouilles furent effectuées dans la rue et certains furent brièvement arrêtés. D´après nos enquêtes, il paraît que ceux qui sont aux trousses du président du PNP auraient eu vent que Tikpi Atchadam était à Kpalimé- Zongo d´où il devait s´adresser aux Togolais dans un message audio. Le jour de l´enlèvement du SG du PNP, ce serait les mêmes motifs: mettre la main sur Tikpi Atchadam qui serait hébergé par Monsieur Moutawakilou. À défaut de Tikpi, ils embarquèrent le propriétaire des lieux à qui ils colleront sans doute un délit. N´ont-ils pas inventé l´affaire Taïga à cet effet?
Le kidnapping de Messieurs Aboubakar Tchatikpi et de Amah Daouda à leurs domiciles vise également le même but. Les deux étant originaires du village de Kparatao, nos autorités de l´insécurité croyaient à travers eux avoir une piste qui mènerait au leader du Parti National Panafricain. Précisons qu´entre temps, Aboubakar Tchatikpi est déféré à la prison de Lomé sans avoir commis aucun crime, et que Amah Daouda est libéré, la seule évocation du village d´origine des deux devenant trop encombrante. La question lancinante qui se pose aujourd’hui dans les milieux kotokoli au Togo, est celle-ci: À qui le tour? Dans un article précédent nous mettions l´accent sur le fait que beaucoup de personnalités kotokoli, plus ou moins influentes, proches ou non du PNP, sont entrées dans la clandestinité ou ont quitté le pays pour échapper à la terreur.
Vendredi 7 février, Monseigneur Fanoko Kpodzro est aperçu à Accra aux funérailles de la mère du SG du PNP arrêté . Des militaires envahissent et assiègent son village natal. Ont-ils encore appris que le prélat héberge Tikpi Atchadam chez lui?
Pourquoi un tel acharnement sur une communauté ethnique qui n´a commis de faute que d´avoir un fils du pays qui réclame une vraie alternance au sommet de l´état? Et ce qui est plus surprenant et injuste est que ceux qui font des montages, assiègent les localités d´origine de Tikpi Atchadam, cherchent à le localiser et l´arrêter, sont des criminels cités à plusieurs reprises dans les rapports d´organisations nationales et internationales des droits de l´homme.
Faure Gnassingbé, en venant au pouvoir en 2005, a dû marcher sur plus de 500 cadavres de ses concitoyens. Kadanga, Yark, Massina, Titikpina et tous les autres qui se reconnaissent, figurent en bonne place dans ces rapports qui n´honorent pas notre pays. L´arriviste Ingrid Awadé, pour avoir été l´une des têtes qui avaient eu la lumineuse et diabolique idée d´incendier les marchés de Kara et de Lomé fait partie de ce sinistre panthéon. Voilà des criminels qui, sous d´autres cieux, auraient déjà été passés par les armes, ou croupiraient derrière les barreaux pour plusieurs décennies. Mais au Togo ce sont eux qui décident de quelles régions assiéger militairement, et quelles ethnies il faut exterminer pour qu´ils aient la paix.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, des opposants en campagne pour les présidentielles, ne disent rien de ce climat de terreur. Nous peignent plutôt un pays où la démocratie est en marche, où ils peuvent librement battre campagne, pendant qu´un des leurs est recherché par des militaires comme un bandit des grands chemins.
Au Togo, un pays de toutes les contradictions, le monde est vraiment à l´envers!
Samari Tchadjobo
09 février 2020
Hanovre, Allemagne