- Le colonel a juste copié les habitudes de la maison Unir de Faure
La Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la cour constitutionnelle ont clamé la victoire sans appel et sans fioriture de Faure Gnassingbé à au moins 70%. Mais alors, pourquoi des arrestations qui sont loin d’être terminées ? Pourquoi consigner les soldats alors qu’aucune menace ne point à l’horizon ? Depuis les résultats de l’élection présidentielle du 22 février, la hiérarchie militaire semble sur ses dents. Parce qu’elle se serait rendu compte d’une cinglante réalité.
Pendant et avant la campagne présidentielle, le candidat Faure Gnassingbé a tout sillonné : champs, marchés, terrains de foot, usines, camps militaires. Des cadeaux en nature et en espèce ont été distribués tant aux civils qu’aux forces de l’ordre. Les images témoins existent encore. Le but ? Rallier tout ce monde à sa cause. Bref, le camp du parti Unir n’a pas caché ses opérations d’achat de consciences des populations civiles et militaires. Ce faisant, ceux qui procèdent à l’achat de conscience peuvent-ils jeter la pierre à quelqu’un d’autre qui utilise la même méthode en faveur d’un autre candidat ? Le militaire, le gendarme et le policier n’ont-ils pas le droit divin de donner leur préférence à un candidat autre que Faure Gnassingbé ? C’est cette opération à laquelle le colonel Amblessou et le capitaine Sewade se seraient livrés, et qui serait la source de leurs malheurs depuis un moment.
En effet, il nous revient que pendant la campagne électorale, le colonel aurait approché des subalternes avec qui il aurait échangé sur la nécessité de voter pour le candidat de la dynamique Kpodzro. Et pour encourager les uns et les autres, il leur tendait des enveloppes, qui de 15.000F, qui de 20.000F. Et apparemment, la mayonnaise aurait pris au-delà des attentes. Parce que bien que ce soit à un effectif limité qu’il aurait fait ces cadeaux, il nous revient que les résultats au sein des forces de l’ordre auraient surpris et déplu à la hiérarchie militaire. Et il fallait trouver un coupable désigné : le colonel Amblessou N’sou et le capitaine Sewade. Et depuis, ils sont en état d’arrestation avec comme crime, leur accointance avec le candidat de la Dynamique Kpodzro. Jusqu’à hier, le colonel serait gardé au SCRIC (ex SRI), mais nous ignorons où le capitaine Sewade est, lui, gardé. Il était en poste à Zowla alors que le colonel était à l’Etat-major.
Mais apparemment, l’effet fut tel qu’il a été décidé de consigner les soldats dans les casernes pour dénicher ceux qui seraient susceptibles d’avoir voté pour un candidat autre que Faure Gnassingbé. Autant dire que ce qu’il convient d’appeler une « purge » est loin d’être terminée. Signe alarmant, le colonel aurait fait dire à sa soeur de « prendre soin de leur mère».
Le soldat en général est-il tenu de voter pour un candidat qu’il ne porte pas dans son coeur ? Sa carrière peut-elle prendre fin pour le simple fait qu’il ait appelé des proches à voter pour l’alternance ? Faire campagne pour un autre candidat que le chef de l’Etat d’un pays est-il passible de peine de prison ? On peut répondre à toutes ces questions en prenant l’exemple de la Côte d’Ivoire où le président a décidé de ne plus se représenter. Un colonel à la retraite s’est ainsi indigné en apprenant la nouvelle des arrestations : « Jusqu’à preuve du contraire, militaires, gendarmes, policiers, surveillants de l’administration pénitentiaire et corps des sapeurs-pompiers sont tous des fonctionnaires de l’Etat togolais et aucun ne doit être au service d’une seule famille au Togo. A ce titre, ils ont chacun le droit de voter pour le candidat de leur choix sans que des représailles ne soient dirigées contre eux. C’est de l’abus d’autorité, ce qui se passe avec Amblesso et Sewadé ».
Depuis un moment, beaucoup de citoyens pensaient que la militarisation du pays répondait à un besoin de protection des populations contre des menaces extérieures. Mais peu à peu, on se rend compte que c’est pour la préservation de l’ordre ancien incarné par Faure Gnassingbé. Tout comme la consignation dans les casernes ; pour étouffer toute velléité. Mais la question est de savoir pour combien de temps cette pratique durera. Et puis, le temps où des soldats disparaissaient semble révolu, à l’heure de l’internet. Toute famille peut désormais lancer des alertes pour disparition d’un de ses fils.
Abbé Faria
source : Liberté