Deux gouvernements ? C’est ce à quoi l’on risque d’assister dans les jours ou semaines à venir, à en croire le « Président élu » Agbeyome Kodjo. Il compte nommer incessamment un Premier ministre et former son gouvernement. L’on tend manifestement vers un scénario unique, et les prochains jours et semaines risquent d’être mouvementés…
La proclamation ce dimanche nuit des résultats provisoires du scrutin du 22 février donnant Faure Gnassingbé vainqueur dès le premier tour avec un score sans appel de 72,36 % des voix, a laissé des traces. Agbeyomé Kodjo, manifestement le vrai vainqueur du verdict des urnes avec un score oscillant entre 57 et 61 %, ne veut pas lâcher le morceau. Faut-il le rappeler, la victoire du candidat du Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD) et de la dynamique Kpodzro a été reconnue par ses concurrents de l’opposition, Jean-Pierre Fabre de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), Aimé Gogué de l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI) et Komi Wolou du Pacte socialiste pour le renouveau (PSR). Il appelle les électeurs à défendre leurs suffrages.
« Contrairement à la volonté populaire clairement affichée à travers les urnes, la CENI vient de proclamer vainqueur le président sortant que nous avons régulièrement battu à l’issue de la présidentielle du 22 février 2020. En ma qualité de président démocratiquement élu de la République togolaise, j’appelle les populations sur toute l’étendue du territoire national et dans la diaspora à défendre résolument la vérité des urnes. J’en appelle à la retenue et à la neutralité des forces de défense et de sécurité », a déclaré Agbeyome Kodjo, dans un message à l’endroit des populations publié juste après la proclamation officielle des résultats.
A côté, c’est le Coordinateur général de sa campagne qui a pesté sur les ondes de RFI hier matin, parlant de « résultats fabriqués » proclamés par la CENI. Dans un communiqué rendu public juste après, Fulbert Attisso a en effet convié « toutes les forces vives du Togo et de la diaspora à entrer dans la résistance jusqu’à ce que la vérité des urnes soit dite, que Agbeyome Kodjo soit proclamé Président de la République du Togo et que la volonté exprimée par les électeurs et électrices en faveur de l’alternance soit respectée ».
Le « Président élu » ne compte pas rester à l’étape des déclamations. Au-delà de la résistance populaire à laquelle il appelle les Togolais, il entend nommer très prochainement un Premier ministre, de même qu’un gouvernement. Fulbert Attisso aussi a annoncé « La nomination du Premier Ministre de la dynamique de Mgr KPODZRO dans les heures qui arrivent ». Le candidat lui-même, quelques heures avant la proclamation des résultats, indiquait dans un message adressé aux populations : « Dès l’instant, je deviens le président démocratiquement élu, et je m’engage à former un gouvernement inclusif ».
Ces appels tous azimuts à la défense des votes, à la résistance, curieusement, n’ont pour l’instant aucun effet. Aucune levée de boucliers en tout cas des populations, contrairement à ce qu’on devrait redouter. A une certaine époque, c’est à des années de marche que l’on a assisté. Jean-Pierre Fabre qui estimait sa victoire volée au scrutin du 4 mars 2010, opta pour la contestation de rue, avec des marches hebdomadaires. Va-t-on vers ce scénario ?
Rien n’est pour l’instant moins sûr. Mais il y a bien de l’électricité dans l’air et tout peut arriver. La déception est grande dans les rangs des électeurs qui se sont mobilisés véritablement pour aller voter samedi passé. Le taux de participation de 76,63 % avancé par la CENI fait de cette élection présidentielle l’une des plus adoubées. « On va encore endurer ça durant cinq ans ? », « C’est parti comme ça pour 2025 ? »…voilà quelques questions qui revenaient dans les échanges. La tension est même perceptible chez certains.
Les propos tous azimuts d’Agbeyomé Kodjo et les siens ne laissent pas indifférent le pouvoir. Gilbert Bawara, la bouche parlante du candidat de la minorité pilleuse, les met en garde de tenter de faire que ce soit. « Certains entourages du candidat Agbeyome Kodjo qui utilisent les réseaux sociaux pour appeler à des contestations et à des actes de violence, naturellement cela ne sera pas sans conséquence du point de vue juridique et personne ne sera autorisé à agir d’une manière qui remette en cause la concorde, la paix et l’ordre public. Toute action ou tout agissement qui serait contraire à l’ordre public fera l’objet des conséquences prévues par les lois et règlements applicables en République togolaise », a-t-il déclaré sur les ondes de RFI hier matin.
Il est bien légitime, au demeurant de redouter une crise postélectorale. En tout cas, les jours, semaines et mois à venir risquent d’être assez mouvementés. Il y a une montée manifeste de la température…
Tino Kossi
source : Liberté