Les jours passent et les années trépassent, mais le régime togolais n’a cure de changer ses attitudes de prédation des libertés individuelles et collectives pour la conservation du pouvoir. De 2005 à 2020, soit 15 années de surplace, il faut plutôt convenir que tout n’a été que du déjà-vu dans une cité où les metteurs en scène du déluge et de la crise sont plus que jaloux de leur rôle. Ils en savourent tellement et aiment continuellement remettre l’ouvrage sur le métier. Mais le hic, est que se faisant, ils font autant mal à eux-mêmes et à leur patron qu’au reste de la population.
Dans une précédente parution, le journal La Manchette rappelait que dans l’histoire de la gouvernance du père au fils, tout choix du Président par la voie des urnes, a toujours été source de contestations, souvent empreinte à de violences et autres violations des droits de l’homme, sans oublier des personnes exilées et des morts, (une tendance en baisse). Cependant, à la fin, qu’il soit Gnassingbé Eyadema ou Faure Gnassingbé, ils arrivent toujours à occuper le fauteuil présidentiel au travers d’une victoire huée et dénoncée par leurs adversaires. Ainsi, ils ont certes la légalité, mais se sont toujours battus pour leur légitimité, parce qu’ils ne font pas l’unanimité. Pis, la succession de certains évènements connus lors de leur gouvernance déteint toujours sur leurs mandats. « Un bien mal acquis, ne profite jamais ». L’humoriste français André Pierre Dac ne croyait pas si bien dire.
Genèse de la misère présidentielle
Dans les saintes écritures, tant qu’il est temps d’enfiler le costume des hommes de bien, l’on pourra volontiers rappeler qu’il est déconseillé à l’humanité de recourir au mal pour s’offrir une existence. « Fuyez le mal, pour ne pas participez à votre autodestruction dit-on souvent. Le Togo de 2005 en est une illustration parfaite. Ne demandez surtout pas où se trouvent Kpatcha Gnassingbé, le général Tidjani ou encore le capitaine Dontéma car, l’histoire pourra se moquer de vous. Ce que tu fais, te fais. C’est ça qui est la vérité.
En effet, dans le déroulé des faits saisissants qui tracent l’histoire politique de la nation togolaise, l’on pourra bien retenir que bien d’évènements ont toujours fait ombrage à une réelle jouissance du pouvoir pour tous ceux qui s’estiment toujours gagnants de toutes les compétitions électorales.
En 2005, Faure Gnassingbé est contesté pour usurpation d’un pouvoir qu’il a du mal à exercer tant les douloureux évènements qui ont pavoisé sa montée à la magistrature suprême lui sont à chaque fois rappelés à la moindre incartade. D’ailleurs, jusqu’aux élections législatives de 2007 qui ont marqué un temps d’accalmie après les douleurs et autres frustrations de 2005, parler de la gouvernance ou du mandat de Faure Gnassingbé revient à ne parler que des morts de 2005. Une présidence qui n’est identifiée que dans l’évocation des personnes décédées et de la prise du pouvoir à la hussarde en 2005. Quel plaisir peut en tirer un président au pouvoir si sa victoire aux élections et sa gouvernance ne peuvent être appréciées qu’en fonction du sang versé de ses concitoyens ? Car à chaque fois, le parallèle est fait entre sa victoire et les personnes disparues.
Bis repetita…
Passée la période de 2005, un autre fait politique fit longtemps ombrage à la gouvernance de Faure. Il s’agit de l’arrestation en 2009 de son demi-frère, Luc Kpatcha Gnassingbé, faiseur de roi en 2005 qui plus tard, est accusé de fomenter un coup d’état contre le même « roi » qu’il a contribué à introniser : « J’ai demandé aux officiers à l’époque de faire allégeance à mon frère le président. Ça, je le reconnais », avait-il déclaré.
Avant la présidentielle de 2010, l’arrestation du député Kpatcha, a été le sujet politique qui a marqué les dernières heures du premier quinquennat de Faure Gnassingbé. Même lors des campagnes électorales de 2010, le sujet revenait, quasiment sur toutes les lèvres.
En 2011, le procès contre Kpatcha et ses co-accusés dont le tout-puissant général Tidjani condamnés jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle avec déchéance civique et confiscation générale des biens, a tellement eu d’impacts négatifs sur la gouvernance de M. Faure. Mais l’ancrage même de la division au sein du régime a été scellé dans la rocambolesque affaire de montre Rolex orchestrée par un émirati Abass Yousef. Une histoire qui coûta la déchéance de Pascal Bodjona, le numéro 2 du régime.
D’une simple affaire de droits communs, ce dossier est devenu une affaire politique, une affaire d’État, Pascal Bodjona et un autre ponte du régime, Agba Bertin firent la prison. Un dossier qui a rajouté une couche noire sur la présidence de Faure qui n’existait qu’à travers le rappel de ces évènements.
En 2013, avant que Pascal Bodjona ne connaisse sa seconde incarcération en 2014, des incendies de grande ampleur ont ravagé les deux grands marchés de Lomé et de Kara. Des jours plus tard, une trentaine de personnes, dont des opposants au régime, Agbéyomé Kodjo, Gérard Adja, etc. ont été inculpés et écroués. Étienne Yakanou, président d’une section locale de l’ANC, est même décédé lors de sa détention. L’opposition, quant à elle, se défendait en citant des membres du régime comme étant les principaux pyromanes.
C’est dans cette ambiance assez surchauffée que s’est organisée la présidentielle de 2015. Un scrutin qui, tout comme les précédents, a souffert de transparence et de crédibilité d’après plusieurs Togolais. Mais comme en 2007, la relative accalmie observée en 2015 n’a été que de courte durée plus que 2 années plus tard, soit en 2017, la surprise révolte populaire impulsée par Tikpi Atchadam, le président du PNP a failli emporter le régime. Le pouvoir de Faure Gnassingbé a sérieusement vacillé faisant une de ses peurs à tous les barons de la dynastie. Du semblant de dialogue politique en 2018 au cafouillage lors des élections législatives et des locales en 2019, il a fallu attendre la présidentielle de 2020 avant que le régime ne retrouve ses sensations d’antan : « Un coup K-O » dira-ton. Mais depuis la proclamation des résultats définitifs des élections présidentielles de 2020, ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler « l’affaire Agbeyomé Kodjo»risque de faire à nouveau ombrage à la gouvernance du Président Faure.
En effet, vu l’évolution de la situation politique actuelle, il ne serait pas du tout exagéré de considérer que tous les mandats de Faure Gnassingbé risquent d’être sous tutelle des faits qui enlèvent au président de la République, une réelle jouissance de son quinquennat en tant que celui à qui, le peuple togolais aurait confié la mission d’agir en son nom. 2005, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2020, l’histoire risque de se répéter à cause des agitations des crisogènes qui gravitent autour du Président Faure et qui comme toujours, tuent les mandats de leur maître de par leur imprudence et surtout leurs attitudes belliqueuses.
Quel plaisir peut en tirer un Chef d’État au pouvoir si sa gouvernance doit toujours heurter des faits politiques qui lui enlèvent toute posture de rester zen ? La question demeure…
Xavier AGBEVE
La Manchette