« Si l’État est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons » ( Paul Valéry)
Au Togo, l’État n’est pas fort. Il est brutal. Il n’est que violence physique, symbolique et psychologique. Un État trop violent pour être fort. Débarrassée de sa noblesse et de sa visée structurante, la force devient sa propre fin. Elle devient terreur. Son déploiement aveugle est une tentative désespérée de compenser le déficit de légitimité sans laquelle l’État de droit ne saurait se construire et se consolider. Un tel tropisme a produit un État policier dans lequel un seul homme totalise tous les pouvoirs dans une dérive dictatoriale, tyrannique, totalitaire. La séparation des pouvoirs qui permet de maîtriser l’État dans ses dérives autocratiques n’existe pas. Le chef de l’État use et abuse de son pouvoir. Aucune retenue. Toute demande de limitation de pouvoir est dès lors vécue comme une atteinte au cœur même du système, un outrage au « monarque » qui se lave le plus souvent par le sang, par la prison ou, au mieux, par l’exil.
Au Togo l’État est faible. Trop faible pour être efficace. Le pouvoir sans limitation est une source d’affaiblissement. Lorsque l’État est faible, « nous périssons ». Car, un État faible qui ne dispose pas de pouvoir (politique et juridique) et d’institutions fortes ne peut aucunement organiser la vie sociale. Quand l’État s’affaiblit, la société plonge dans le chaos, dans le désordre, dans la loi du plus fort. L’anomie s’installe et s’approfondit. Et là où l’État périt, périt également la loi et avec elle périt la liberté (Rousseau). Les lois ne trouvent plus des institutions fortes (justice, police, gendarmerie…) capables de garantir leur stricte application. Un État est faible quand il n’est pas le seul qui dispose de la « violence légitime ». Des miliciens et groupes armés, vus lors de diverses manifestations, disposent dans la société d’une force armée qui double en la soumettant l’armée républicaine. L’État est en définitive affaibli par l’outrancière utilisation de la force et la privatisation des institutions par le prince. Faure Gnassingbé s’illusionne. Sa supposée force n’est que l’expression de l’abyssale faiblesse de l’État qu’il dirige. Les périls qu’il fait courir à tout le corps social sont réels .
Plus d’un demi-siècle de dictature a produit un État dangereux qui vit sous l’empire de la peur. L’État a peur. Il est donc irresponsable et imprévisible. Constamment aux abois, il est un danger permanent pour ses citoyens et ses voisins. Les pouvoirs publics togolais vivent dans la peur du peuple. Tous leurs actes suintent la peur et la défiance. L’excès de force, la manipulation, l’usurpation, le crime et la rapine en témoignent. La culture du mensonge et de la corruption situe précisément la profondeur de la peur qui anime les bourreaux de la nation. Peur qu’ils tentent de conjurer en la diffusant au peuple, espérant ainsi le tenir à distance.
Nous devons intégrer dans notre marche victorieuse la peur irrépressible qui domine Faure et ses acolytes. Martyrisés, apathiques en apparence, nous devons arriver à la conscience que nos bourreaux ont plus peur que nous. Il nous suffit de passer par-dessus la peur, ce voile inhibiteur que la propagande appelle « paix » au Togo, pour faire voler en éclat ce pouvoir illégitime .
Notre résistance doit s’appuyer sur une pédagogie des subtilités psychologiques de la peur. Il faut cesser de jouer les protecteurs en soutenant, comme pour doucher notre ardeur, que se révolter signifie envoyer le peuple à l’abattoir. C’est, au contraire, conforter le plus peureux du couple gouvernant illégitime / peuple souverain en détournant la peur du premier sur le second. Sortons de cette duplicité langagière et larguons les amarres.
Lomé 2 a commis un énième crime contre la Nation en détournant son vote et sa volonté au profit du dictateur qu’elle n’a clairement pas élu. Une fois encore, une fois de trop, le peuple est violenté dans sa substance de dépositaire de la souveraineté. Nous devons à présent nous battre, frontalement, adéquatement, courageusement, loyalement et par tous les moyens. Recouvrer notre liberté face à un État non réformable. Coûte que coûte nous sortir de la servitude et de l’esclavage. Le peuple en a les ressources. « Soyons résolus à ne plus servir et nous voilà libres » La Boétie. Proportionnons notre réponse à la nature du défi. Alors, opiniâtrement, obstinément, passionnément sortir le Togo du gouffre de la tyrannie, des tentacules d’un État voyou, d’un véritable État-danger pour les individus et les peuples. Un chancre anti-démocratique au sein de l’espace régionale, une tâche tenace, telle celle de cette petite main de Lady Macbeth que : « Tous les parfums d’Arabie ne purifieraient pas » William Shakespeare, éponyme, 1605.
Il faut amputer ou circonvenir la gangrène de la dictature au Togo. Nous n’avons plus le choix.
Jean-Baptiste K.