Le Franc CFA est mort. Vive le FCFA réincarné sous le vocable de la monnaie ECO. Mais s’agit-il de l’ECO-CEDEAO 1 ou de l’ECO-UEMOA sous inspiration française 2 ?
Au-delà du symbole, une partie des réserves monétaires des pays membres de l’Union monétaire Ouest-africain, soit 50 % des réserves de change de l’UEMOA ne sera plus déposées auprès du Trésor français. Les dirigeants de ces pays n’entendront peut-être plus parler de comptes d’opération du Trésor français, passage obligé d’une partie des richesses africaines même si une autre partie continuera par transiter par la Banque de France.
Les représentants français ayant un droit de véto et siégeant au sein des instances de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) n’apparaitront de manière ostentatoire mais seront remplacés par des « experts indépendants », une proposition dans un rapport de 29 pages, semble-t-il d’un certain Dominique Strauss-Kahn, ex-Directeur général du Fond monétaire international et reconverti en « expert indépendant » pour certains pays comme entre autres le Congo et le Togo 3.
1. FRANCE ET ZONE FRANC : QUID DES ACCORDS SECRETS MONETAIRES ET DE DEFENSE ?
Prenant par surprise la bureaucratie des chefs d’Etat de la CEDEAO le 21 décembre 2019, le Président français, Emmanuel Macron et le Président ivoirien, Alassane Ouattara avaient annoncé à Abidjan, la fin du Franc de la Communauté financière Africaine 4 (FCFA). La réforme du Franc CFA apparaît plus comme la réforme d’un symbole colonial encombrant, et moins comme une avancée vers la souveraineté monétaire et l’intégration régionale monétaire des trois zones que constituent l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et les Comores. Le FCFA devrait devenir l’ECO au plus tard le 1er janvier 2021, une ECO franco-ivoirienne, en référence aux principaux initiateurs et défenseurs d’un « lien » privilégié entre la France et l’Afrique.
Pourtant en juillet 2019, les 15 chefs d’Etats de la CEDEAO avaient décidé de la mise en place d’une monnaie souveraine de la sous-région sous l’appellation ECO. Celle-ci devait être arrimée à un panier de monnaies et ne devait surtout pas dépendre unilatéralement de l’Euro, et certainement pas de la France.
La fin du FCFA ne signifie nullement que le mot « Franc » disparaitra en Afrique malgré la nouvelle dénomination-maquillage du FCFA de l’Afrique de l’Ouest (XOF) en ECO Franco-ivoirien. Les pays ayant conservé le mot « Franc » ont réussi à devenir indépendant du Trésor français et n’ont pas un taux de convertibilité fixe avec l’Euro. On peut citer le franc burundais, le franc congolais, le franc malgache (renommé Ariary) et le franc rwandais.
Instauré par un décret français de 1945, la France a eu besoin de passer par un Loi, 75 ans plus tard – une forme de solde de tous comptes – pour mettre fin au Franc CFA. Cela signifie que certains de ces Traités notamment celui avec l’Union monétaire ouest-africain (UMOA) de 1962 et revu en 2007 ainsi que les accords de coopération monétaires et plus particulièrement celui signé le 21 décembre 2019 mentionnant la fin du franc CFA de la communauté financière africaine 5 deviendront caduques. Mais quid des accords secrets monétaires et de défense entre la France et les ex-pays colonisés liés par le Franc CFA 6 ?
Rappelons tout de même que si les termes ont évolué, au moins quatre principes relatifs à la monnaie méritent un débat public qu’une Loi française peut entériner sur papier, mais avoir du mal à faire disparaître dans la pratique. Il s’agit entre autres de :
# la dette coloniale pour remboursement des bénéfices de la colonisation ;
# la confiscation automatique des réserves financières nationales ;
# l’obligation d’utiliser le franc CFA Franc des Colonies Françaises d’Afrique devenu le Franc de la coopération financière africaine (FCFA) séparée principalement entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale ;
# l’obligation d’envoyer en France, un bilan annuel et un rapport d’état des réserves 7.
Manifestement, il y a le seul vrai accord est le silence de la France et des chefs d’Etat de l’UEMOA sur la fin des accords secrets liant les dirigeants de ces pays entre eux. Le Peuple africain ? Personne n’en a cure ! Pourtant, c’est ce Peuple africain qui a enrichi la France.
2. LE FRANC COLONIAL MIEUX GÉRÉ QUE LE FRANC MÉTROPOLITAIN
Créé en 1945 sous l’appellation le Franc des colonies françaises d’Afrique (FCFA) par un décret (no 45-0136) signé par le Président du Gouvernement provisoire de la France, Charles de Gaulle, le Franc des territoires sous contrôle français voyait la valeur de la monnaie de ces territoires hors métropole dits « territoires d’outre-mer » obligé d’être libellé en Franc avec une valeur fixée unilatéralement par la France.
A l’époque, la parité initiale du franc CFA en 1945 reflétait l’équilibre budgétaire des territoires coloniaux. C’est ainsi que le déséquilibre des finances publiques de la France fut sanctionné par un franc de la métropole plus faible que le franc de la colonie : 1 franc CFA valait 1,7 franc métropolitain en 1945, puis 2 franc métropolitain en 1948. Les espaces coloniaux généraient des surplus pour compenser l’absence d’équilibre budgétaire de la France métropolitaine. Est-ce que cela a vraiment changé depuis le temps ? La réponse est non.
Qu’est-ce qui a changé ? La capacité à utiliser la monnaie pour transférer en métropole via le Trésor français, le surplus généré en Afrique pour :
# d’une part soutenir une partie des déséquilibres budgétaires de l’Etat français, et
# d’autre part, à s’assurer qu’aucun des pays francophones sous contrôle par la monnaie FCFA ne puisse organiser sa souveraineté monétaire sans l’accord de la France. C’est ce mécanisme qui reste secret et inscrit dans les accords secrets de défense.
Alors pour faire perdurer ces accords secrets de défense, il fallait empêcher toute velléité de souveraineté monétaire au sein de la CEDEAO.
3. CONFUSION ENTRE DEUX FUTURES MONNAIES : ECO « UEMOA » VERSUS « ECO CEDEAO » ?
Entre une réforme cosmétique et un relâchement de la servitude monétaire d’une part, et la mise en place d’un artifice monétaire avec la complicité des chefs d’Etat africains soutenant en priorité la France avant le patronat et les populations africaines, il y a lieu de placer le curseur sur une position volatile au gré des trahisons envers le Peuple africain. Au-delà du maintien de la « servitude monétaire » ou de « l’arnaque politique 8 », il y a un véritablement questionnement sur l’incapacité des chefs d’Etat des zones monétaires à créer, au cours d’une période transitoire, leur propre monnaie souveraine commune à faire circuler en parallèle avec les autres monnaies existantes y compris le Franc CFA.
Cette nouvelle monnaie commune souveraine de la CEDEAO ne peut plus et ne doit plus s’appeler ECO, ou alors il faudra préciser l’ECO-CEDEAO. Car l’ECO d’Emmanuel Macron et d’Alassane Ouattara relève d’une habilité monétaire, au mieux d’une historique opportunisme politique de la France pour mieux surveiller les Etats inscrits dans son pré-carré UEMOA. Il s’agit donc bien d’un ECO-UEMOA.
En fait, la surveillance n’a pas disparu. Elle a pour objet avec la monnaie ECO franco-ivoirienne de tenter à terme d’intégrer les zones hors influence du Franc CFA dans une monnaie commune franco-africaine. Il va de soi que le Nigéria a déjà fait comprendre qu’il n’y aura pas de compromis entre le Naira et le Franc CFA, et vraisemblablement avec le changement de non, rien ne devrait changer. Par contre, le Ghana reste bien ambigu sur ses intentions réelles, profitant pour jouer les intermédiaires dans les discussions.
Ceux en Afrique qui ne l’auront pas compris et qui ont choisi, volontairement ou contraints, de faire la promotion de la monnaie ECO franco-ivoirienne, en se faisant passer pour des réformistes historiques, pourraient à terme se révéler n’être que des agents zélés, souvent carriéristes. Ils accompagnent en fait la mutation de la postcolonie en zone franc avec des rapports oscillant entre protectorat, tutelle et surveillance. La France a choisi de devenir une vigile monétaire en zone franc. Il sera difficile que les pays anglophones ou lusophones, voire même ceux qui ont conservé le mot « Franc » mais se sont émancipés de la tutelle monétaire française comme Madagascar acceptent un retour en arrière monétaire qui ressemble plus à « qui trop embrasse mal étreint » …
Donc, le choix unilatéral de la France d’évoluer vers la « surveillance », condition sine qua pour continuer à « garantir » le pouvoir libératoire de la future ECO franco-ivoirienne dite ECO-UEMOA suppose des contreparties, dont l’essentiel est inscrit dans les accords secrets. Selon Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères de la France, il n’est pas question de mettre en cause cette fonction primordiale pour le contrôle de la France : « le rôle de la France évolue pour devenir celui d’un strict garant financier de la zone 9 ». Demander des contreparties dans l’opacité des accords secrets de défense relève d’une forme d’annexion monétaire moderne car la parité fixe peut unilatéralement être modifiée par la France. Par ailleurs, la garantie de la France n’a jamais été mise en œuvre automatiquement 10 et profite à trois catégories de personnes, notamment l’Etat français, les entreprises françaises en Afrique, les dirigeants africains alignés sur la France, mais certainement pas au Peuple africain de cette espace géographique et monétaire.
L’absence de risque de change a déresponsabilisé l’Etat africain dont les membres ont choisi de « s’arranger », – au sens d’une corruption (voire mafia) institutionnelle -, pour bloquer la transformation en Afrique des matières premières. Cela a l’avantage de :
# favoriser l’achat des excédents occidentaux par une oligarchie africaine peu soucieuse du peuple ; et
# d’enrichir ceux qui optent pour cette option d’alignement sur les intérêts de la France, à condition que la France assure leur maintien au pouvoir quel qu’en soit le prix humain.
Alors la question de la volonté effective et collective des chefs d’Etat d’avancer vers la création d’une monnaie commune souveraine sans s’attacher aux frontières géographiques de la CEDEAO est posée. Il s’agit donc bien d’un manque d’imagination, et surtout d’un manque d’audace politique !!!
4. UNE MONNAIE COMMUNE ET SOUVERAINE AFRICAINE : INTROUVABLE VOLONTÉ DES PAYS AFRICAINS HORS TUTELLE MONÉTAIRE FRANÇAISE ?
Plus les chefs d’Etat d’Afrique membres de la CEDEAO continueront à se cacher derrière des arguments variants entre la convergence monétaire et le coronavirus COVID-19 actuellement pour repousser dans le temps l’avènement d’une monnaie de compte commune à la sous-région, plus ils se disperseront au risque de rien mener à terme. Pire, ils risquent de se convertir, malgré eux et contre l’avis du leur Peuple, à une monnaie sous allégeance française.
Il vaut mieux clairement se concentrer à créer une monnaie commune été souveraine africaine, sans nécessairement s’inscrire dans une sous-région déterminée, mais d’assurer un pouvoir libératoire direct, à savoir sans que la France n’ait plus son mot à dire sur la convertibilité ou non en devises.
Si les dirigeants africains sont incapables de gérer leur propre monnaie souveraine, le marché les sanctionnera. Ils apprendront que la corruption et le refus de rendre des comptes publics à leur population constituent le nœud gordien de l’absence de confiance des peuples africains en leur capacité à respecter l’engagement à entreprendre et réussir dans le temps imparti la création d’une monnaie commune régionale africaine.
Plus personne n’accepte le principe de la gouvernance du futur des chefs d’Etat africain, c’est-à-dire que tout est systématiquement repoussé à demain, sans que le Peuple africain ne puisse sanctionner cette fuite en avant dans les urnes. C’est ainsi que la création d’une monnaie commune souveraine africaine (sous-régionale ou pas) est devenu un serpent de mer. En conséquence, les chefs d’Etat africain en Afrique de l’Ouest n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes et à leur bureaucratie interne qui cachent une absence de volonté réelle de créer une monnaie commune souveraine.
La France a eu le mérite d’avancer dans sa logique de défense de ses intérêts, y compris avec des alliés africains. Il s’agit de passer de la tutelle à la surveillance monétaire plus ou moins rapprochée avec des agents africains zélés. Les chefs d’Etat africains qui s’affichent tous les jours comme des chantres de l’intégration monétaire apparaissent fragilisés car les retards cumulés et mal-justifiés dans la création d’une monnaie commune sont difficilement justifiables. Cela a finalement fait disparaître le peu de crédibilité collectif des dirigeants africains de la CEDEAO qui perdurait sur ce dossier. Ceux de l’UEMOA viennent de démontrer leur vassalité sous couvert de mimétisme et de soutien à un soutien monétaire de la France dans leur zone géographique.
Inopportunément, les arguments de la non-convergence monétaire et de l’assèchement budgétaire lié à la pandémie du COVID-19 permettent à ces dirigeants de la CEDEAO, collectivement, -mais aussi individuellement- de tenter de justifier un nouveau report dans le temps la création d’une monnaie africaine qui ne sera vraisemblablement plus « unique » mais bien commune. Alors entre ECO d’inspiration française et ECO d’inspiration africaine, c’est la confusion. L’ECO de la CEDEAO ne doit plus voir le jour sous l’appellation ECO usurpée que constitue la monnaie ECO de l’UEMOA.
L’option stratégique, consistant à opter pour une monnaie commune souveraine africaine uniquement avec les pays africains volontaires et indépendants des grandes puissances colonisatrices, ne doit pas être oubliée. Il n’y a plus besoin de se limiter à l’une ou l’autre des communautés économiques régionales. En réalité, c’est bien la volonté qui manque… Le Leadership pour une souveraineté africaine aussi !
5. POUVOIR LIBERATOIRE MONÉTAIRE INDISPENSABLE POUR TOUTE VÉRITABLE MONNAIE SOUVERAINE
Ce qui est présenté comme historique ne concerne pour le moment qu’une partie francophone de l’Afrique de l’ouest où l’appellation Franc CFA disparaîtra au profit d’une monnaie hypothétique non pas de la CEDEAO dite « ECO » mais d’une monnaie sous surveillance française au sein de l’Union économique monétaire ouest-africain qui comprend les pays francophones membres de la CEDEAO.
Pourtant, en Afrique centrale aussi, le problème se pose. Le bilan de la stabilité monétaire des deux zones (ouest et centrale) fractionnées du Franc CFA ne suffit pas pour que ces deux zones puissent prospérer, encore moins de faire sortir leur population respective du spectre de la pauvreté et de la perte de pouvoir d’achat. La stabilité est alors synonyme de « statu quo », voire régression pour le Peuple africain de ces zones. Aussi, les critères de succès du Franc CFA et de la zone franc ne peuvent pas être déterminées ni par la France, encore moins par les courroies de transmission de la France en Afrique, -les institutions comme les dirigeants africains publics ou privés-, mais par des représentants et experts indépendants issus du Peuple africain.
Aussi, il ne faut pas passer sous silence la vague de protestations du patronat africain, notamment en zone franc, qui constate que la France, au travers des Banques centrales régionales en zone franc et des comptes d’opérations logés au Trésor français, peut arbitrairement décider de leur refuser la convertibilité automatique du Franc CFA en Euro, la seule devise ayant absorbée le Franc français. Autrement dit, quand un dirigeant africain du secteur privé décide d’acheter en dehors de la France, ce dirigeant disposant de son argent en Franc CFA peut :
# se retrouver obligé de répondre à des questions confidentielles sur l’utilisation de son propre argent, ce de la part des institutions relais du blocage de souveraineté que sont les banques centrales de la zone franc et le Trésor français ;
# se voir contraint à subir le retard imposé par l’administration et la bureaucratie du système du Franc CFA sans d’ailleurs que cette dernière n’en porte la responsabilité ;
# constater que les institutions de la Zone franc par l’intermédiation des banques secondaires peuvent purement et simplement refuser la convertibilité du FCFA en EURO afin que son propre argent en Franc CFA, fruits de durs labeurs, n’obtienne un pouvoir libératoire au plan international via l’EURO, c’est-à-dire que son propre argent puisse via l’EURO, être converti en une autre devise, principalement la monnaie chinoise ou le dollar des Etats-Unis ; et enfin
# subir en guise de sanction, une fiscalité négative de la part de son ministère des finances et sa direction des impôts, plus comptables de ses équilibres trimestriels auprès des institutions multilatérales ou bilatérales que du soutien à ses entrepreneurs locaux.
Cette réalité sur le terrain a permis d’empêcher la liberté de choix dans l’achat des biens, des services et des capitaux par le secteur privé africain en zone franc. Cela a même créé des déviations de comportements des ministères des finances dans les pays africains utilisant la FCFA en faveur d’un blocage des comptes des entreprises africaines. Au lieu de soutenir les entreprises africaines, les ministères des finances sous le couvert d’une gouvernance négative de la fiscalité et/ou du budget de l’Etat optent pour la bureaucratie et contribuent indirectement à « casser » les entreprises africaines. Ces bureaucrates zélés ne se rendent pas compte de leur rôle de destruction des capacités productives africaines, se cachant derrière l’urgence de rendre des comptes équilibrés mensuellement ou trimestriellement aux institutions multilatérales ou bilatérales ayant octroyés des prêts, souvent usuriers, à un Etat africain, dont les acteurs répondent plus aux directives du Chef de l’Etat qu’aux impératifs de la bonne gouvernance économique et monétaire.
Bref, la comptabilité de petit niveau s’oppose frontalement au développement et à la diversification des entreprises africaines. Ce débat doit avoir lieu car aucun Etat de la zone franc ne sortira de la tutelle, ni de la surveillance française sans avoir trouvé un consensus national, régional voire africain sur l’autorité africaine qui doit octroyer un pouvoir libératoire à la monnaie commune et souveraine africaine. Aussi, sans pouvoir libératoire monétaire directe et par les dirigeants africains, il n’y a pas de véritable monnaie africaine.
Alors, la motivation du Président français, Emmanuel Macron est aussi ailleurs.
6. STOPPER LE « FRENCH BLASHING » EN AFRIQUE : CHANGER LE NOM DE LA MONNAIE NE SUFFIT PAS !
C’est sur la pression des citoyens, des activistes, du patronat et même de certains Etats africains qui voulaient diversifier leurs activités et être libres de le faire que la France a reculé. Cette évolution de la France est une réponse incomplète à l’aspiration des citoyens africains de la zone franc, pris collectivement. Mais, ce n’est pas que le changement de nom qui a été réclamé, mais bien l’émancipation monétaire et la souveraineté totale sur une monnaie commune africaine. Sur ces deux derniers points, rien n’a véritablement changé.
Le FCFA actuel et la future monnaie ECO franco-ivoirienne de l’UEMOA n’ont ni l’un, ni l’autre, de pouvoir libératoire en dehors de l’espace géographique de chaque sous-région de la zone franc. Car même en France, vous ne pouvez pas payer avec le Franc CFA, et vraisemblablement pas non plus avec la monnaie ECO franco-ivoirienne. Le Professeur Mamadou Koulibali en a conclu que « la France, inquiète de la montée de la clameur publique contre le FCFA, a peut-être pensé désamorcer cette pression ? 11 ». Il a certainement vu juste !
Aussi, la création de l’ECO franco-ivoirien de l’UEMOA et la suppression par le Président français Emmanuel Macron du dépôt d’argent et de la richesse des Etats africains sur les comptes d’opération du Trésor français est indéniablement une correction pour stopper le « French Blashing ». Il s’agit d’une critique considérée comme injustifiée par la France et ayant pour objectif de porter atteinte à la réputation de cette dernière, ou plus particulièrement à l’entité (individu, entreprise, institution, Etat) qui représente cette France. De toutes les façons, de nombreuses entreprises africaines détenaient des comptes à l’extérieur et ne passaient plus par les fourches caudines des Banques centrales de la zone franc œuvrant pour le Trésor français. Mais que personne ne s’y trompe !
Tant que la monnaie africaine, quelle que soit son nom, n’aura pas un pouvoir libératoire, à savoir une conversion directe en une autre monnaie internationale sans la tutelle ou la surveillance de la France, on ne peut parler de souveraineté. Il y a manifestement une volonté de stopper un vrai faux « French Blashing », le fameux dénigrement de la France par le Peuple africain. Mais, l’inverse existe et il a une durée de vie aussi longue que celle du Franc CFA, à savoir depuis 1945 au moins, sinon 1853, lors de la création de la Banque du Sénégal, ancêtre lointaine du Franc CFA 12. Alors il est grand temps de stopper l’hypocrisie généralisée ! Si le Franc CFA avait permis au citoyen africain collectivement en zone franc de sortir de sa misère et avancer sereinement vers un mieux-être, cela se saurait !
Le Peuple français doit savoir que la France est plus connue en Afrique par les conséquences des décisions prises par les dirigeants français, et de plus en plus par les dirigeants des entreprises multinationales françaises en Afrique. La France doit apprendre à entendre l’histoire du Franc CFA comme celle de la colonisation française racontée par des Africains indépendants. Alors chacun comprendra qu’il n’y a jamais été question pour aucun africain d’aimer ou pas, de craindre ou pas la France, ses habitants ou sa culture. Il est question d’une recherche de « l’Ubuntu africaine 13 », à savoir la volonté d’un être humain en quête de réconciliation entre des Peuples partageant une même planète. Selon l’archevêque Desmond Tutu, une personne ne peut devenir « Ubuntu que s’il est ouvert et disponible pour les autres » car il a enfin pris conscience « d’appartenir à quelque chose de plus grand ». Mais certains dirigeants français comme africains n’ont rien compris !
Alors, chacun gagne du temps.
7. L’ACCOUCHEMENT DE LA MONNAIE AFRICAINE COMMUNE « ECO-CEDEAO » EST REPORTÉE
En arguant que les critères de convergence monétaire ne peuvent être atteints ou doivent être révisés à la lumière des conséquences économiques et décalés de la pandémie du coronavirus COVID-19, les chefs d’Etat de la CEDEAO sont unanimes pour reporter dans le temps la naissance de la véritable monnaie commune sous-régionale sans la surveillance de la France dans le conseil d’administration. A force de reporter l’accouchement de cette monnaie commune, le citoyen de la zone peut se demander si la volonté de s’organiser monétairement et collectivement dans cette zone demeure une priorité des Chefs d’Etat.
L’histoire de la violence monétaire du Franc CFA 14 racontée par les experts français est certainement différente de celle racontée par les experts africains, encore faut-il que ces derniers soient indépendants de la France et des dirigeants africains alignés sur la France. Mais ces experts ne peuvent être de banals carriéristes, au point de servir de point de relais, voire de véritables courroies de transmission pour faire évoluer le FCFA de la tutelle vers l’ECO franco-ivoirienne en UEMOA sous une surveillance téléguidée et sans pouvoir libératoire hors zone franc.
La monnaie demeure un instrument ambivalent pour normaliser les comportements et organiser les conflits entre individus et Etats pour l’appropriation des richesses dans un champ social innocent que constitue l’Afrique. Ne pas le comprendre, c’est s’exposer à se faire « rouler dans la farine de manioc ». L’ECO franco-ivoirien de l’UEMOA ne peut constituer le fondement, ni le processus fondateur de l’ordre social nouveau entre la France et le pays liés à cette dernière par des liens coloniaux et monétaires, héritage d’une monnaie d’occupation et de dépendance caractéristique du nazisme monétaire 15. Il ne peut servir de fondement à de nouvelles formes plus subtiles de répression monétaire des Africains 16.
Aussi, ce processus fondateur d’un ordre social africain est bien plus grand que l’arme invisible 17 que pourrait constituer la monnaie FCFA ou l’ECO-UEMOA. La fin de la monnaie coloniale, ce qui n’est pas équivalent à sa mort, ne peut être substituée à la naissance d’une monnaie africaine souveraine et commune en Afrique de l’Ouest. Espérons que l’ECO de la CEDEAO puisse voir le jour dans un délai raisonnable, et si possible avec un nouveau nom pour éviter la confusion.
8. UNE POLITIQUE BUDGETAIRE ET FISCALE INCITATIVE DOIT ACCOMPAGNER LA POLITIQUE MONETAIRE
L’appréciation de l’Euro sur le marché international a considérablement réduit la compétitivité des Etats et des entreprises africaines. La perspective que la croissance des pays de la zone franc se traduise en création de richesses tangibles pour les populations en termes de création d’emplois et de pouvoir d’achat semblent repousser dans le temps avec les conséquences de la pandémie du COVID-19.
Le taux de change effectif réel est toujours globalement supérieur aux fondamentaux économiques de la zone et risque de se dégrader avec les conséquences du COVID-19 de sorte que la compétitivité-prix extérieure sera menacée. Avec le décalage, l’impact des chocs asymétriques pourraient forcer les dirigeants de cette zone à sortir de leur mimétisme monétaire pantouflard. Cela ne pourra se faire sans un bilan exhaustif et indépendant de la gestion des comptes publics, de l’amélioration de l’efficacité de la performance logistique couplée avec l’amélioration général de l’environnement des affaires pour les nationaux comme les non-nationaux. Des marges de manœuvres économiques tant de l’Etat que des entreprises locales seront nécessaires faire progresser la diversification dans le cadre d’une économie de proximité et d’intégration régionales renforcées.
Il ne faudrait pas attendre encore une dévaluation unilatérale et surprise de l’actuel FCFA ou de la future ECO franco-ivoirienne de l’UEMOA pour que comme après la dévaluation du FCFA en 1994, les règles de surveillance macroéconomique soient encore alignées sur celle établies dans l’Union européenne 18.
Tous les principaux critères de convergence ne pourront pas être maîtrisés comme par exemple l’équilibre budgétaire hors dons, le ratio dette sur la richesse du pays (produit intérieur brut) inférieur à 70 %, un taux d’inflation inférieur à 3 %. Il y a lieu de mettre entre parenthèses une partie de la dette commune régionale, ceci de manière souveraine. Cette approche permettra une relance de l’économie tout en exigeant que les Africains consomment ce qu’ils produisent localement et dans la proximité. Cela permettra, au cours des années, de mettre fin aux arriérés budgétaires justement en adoptant une politique communautaire avec un budget régional commun. La mise en place d’une dette communautaire de la zone CEDEAO avec la création du Fonds monétaire africain devient indispensable, voire urgent.
La dette communautaire permettrait de faire respirer et de ne pas affaiblir les positions économiques de certains États membres. Cette dette de la zone CEDEAO permettra de renforcer la gouvernance de la zone et la solidarité au sein de cette dernière. Le respect des critères de convergence actuelle et alignée sur l’Union européenne reste hypothétique avec la pandémie COVID-19. Avec des structures économiques faibles et une forte dépendance liée aux exportations de matières premières non transformées et l’importation de biens de consommation qui pourraient être produits localement, la probabilité que les chocs asymétriques impactent la zone Afrique, la CEDEAO en particulier, relève de l’évidence.
La réponse collective passe entre autres par une politique budgétaire contracyclique où l’État s’active à relancer l’économie lorsque la croissance économique est inférieure à la croissance potentielle (cas actuel), et à améliorer l’état de ses finances lorsque la croissance est forte, ce qui n’a pas et fait par le passé. Pourtant en Afrique en général et dans la CEDEAO en particulier où l’interventionnisme de l’Etat est prépondérant, les politiques budgétaires et fiscales doivent pouvoir accompagner des politiques monétaires comme des mécanismes d’ajustement permettant plus de flexibilité dans les périodes difficiles. Cela suppose l’organisation de réserves et de marge de manœuvre lors des périodes fastes si la corruption ne vient pas substituer voire dévier les gouvernants africains des objectifs qu’ils se sont assignés.
Aussi, les politiques dites monétaire d’accompagnement et de fiscalité incitative et non invalidante pour les entreprises et entrepreneurs créateurs de richesses et d’emplois doivent pouvoir bénéficier du soutien des populations si elles sont informées par une politique régulière et institutionnalisée pour rendre des comptes.
9. « LA SURVEILLANCE », UN FREIN A LA CROISSANCE PARTAGEE OU UN SUBTIL LEVIER DE DEPENDANCE ?
La pression des pairs entre chefs d’Etat mais aussi entre dirigeants d’entreprises pourrait contribuer à améliorer la surveillance macroéconomique par les responsables africains. En cela, la surveillance par la France deviendra superflue pour les pays de la zone franc s’engageant dans la monnaie ECO Franco-ivoirien de l’UEMOA en remplacement du franc CFA en vigueur en Afrique de l’Ouest, ce en principe dès le 1er janvier 2021. Cela concernera les non pas les quinze Etats membres de la CEDEAO mais seulement les huit pays dont la monnaie est actuellement le franc CFA, et qui sont membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.
S’avancer aujourd’hui pour dire que les sept autres Etats à savoir le Cap-Vert, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le Nigéria et le Sierra Leone- viendront s’inscrire dans l’ECO-UEMOA sous surveillance française tout en renonçant à la création d’un ECO CEDEAO en préparation demeure une gageure. La France sait pertinemment que l’ECO-CEDEAO ne sera jamais fondue dans l’ECO-UEMOA. Donc, le seul objectif est de divisé pour mieux régner par la surveillance des agents zélés en Afrique.
On peut se demander si le remplacement du FCFA en une nouvelle monnaie ECO-UEMOA permettra de couper le « cordon ombilical » et de « calmer les contestations » pour laisser les « techniciens travailler sereinement 19 » comme l’avait fait remarquer le Professeur Kako Nubukpo, grand défenseur d’une réforme du FCFA, sauf que cette réforme laissée aux techniciens risque encore de se faire aux dépens du Peuple africain de la zone économique concernée.
Une fois l’ECO franco-ivoirienne créée, les questions sont multiples et se résument en sept principales :
# pourquoi la France, via le Trésor français, doit continuer à obliger les deux banques centrales des deux zones monétaires d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et d’Afrique centrale (BEAC) à maintenir des réserves de change rémunérées – autour de 0,75 %, voire moins – dans des comptes d’opération auprès du Trésor Public français ?
# pourquoi le Trésor français doit garantir la convertibilité de l’ECO franco-ivoirienne en Euro alors que cette garantie n’a quasiment jamais été engagée ?
# pourquoi en contrepartie, le Etats adoptant l’ECO-UEMOA sous influence française devraient accepter un maintien de la perte d’autonomie et souveraineté ?
# pourquoi les Etats futurs utilisateurs de l’ECO-UEMOA devraient être sous le chantage d’une possible – sinon probable – dévaluation de 50 % franc CFA comme ce fut le cas le 12 janvier 1994 ? La renouvelabilité de cet évènement fâcheux et sous contrôle de l’ex-Etat colonisateur n’est pas une hypothèse d’école ?
# comment accepter, du jour au lendemain, que la richesse des ménages, des entreprises et de l’Etat soit divisée par deux ou plus, et la dette publique et privée soit multipliée par deux ou plus pour, dit-on, rendre l’économie des pays de la zone franc compétitive ?
# pourquoi faire semblant de passer sous silence les inconvénients d’un régime de change fixe (1 Euro = 655,96 FCFA), unilatéralement arrimé à l’Euro, surtout que faire l’économie d’un débat ne pourra pas empêcher des experts indépendants de proposer une évoluer vers un régime de change flexible et un panier de monnaie ? Et enfin,
# pourquoi continuer à empêcher l’industrialisation de l’Afrique en zone franc si la monnaie utilisée agit comme un frein et non un levier ?
Il n’est donc plus possible de s’engager les « yeux fermés » dans la voie proposées par les tenants de l’ECO-UEMOA sous inspiration franco-ivoirienne sans revisiter les options opérationnelles d’un changement de logiciel mental et de paradigme d’un développement socio-économique 20, culturel et écologique et prenant en compte les valeurs africaines. L’ECO-UEMOA de la France ne peut plus être un instrument de domination 21.
Dans le régime actuel de change fixe et arrimé à une monnaie forte que constitue l’EURO, les États africains membres de la Zone franc ne bénéficient d’aucun droit, encore moins d’un siège au sein du Conseil des gouverneurs du système de gouvernance de l’EURO. Pourtant, l’arrimage à un Euro fort, surévaluant la monnaie FCFA/ECO-UEMOA franco-ivoirienne, ne peut que favoriser les exportations en valeur vers l’Union européenne et pénaliser ces mêmes exportations vers les destinations hors Union Européenne 22. Pourtant au niveau de la balance des paiements, et compte tenu des jeux imbriqués des taux d’intérêts et de la dette qui en résultent, plus ces pays exportent vers l’Union européenne, plus ils s’appauvrissent collectivement et retardent l’avènement de la vérité des urnes au plan démocratique.
Alors pourquoi certains s’évertuent à « saboter » la monnaie ECO-CEDEAO ?
10. SABOTAGE DE LA MONNAIE « ECO-CEDEAO » POUR MAINTENIR LES ACCORDS SECRETS ?
Peut-on véritablement parler de « sabotage du projet souverainiste de la CEDEAO » par la France selon le Professeur Yao Séraphin Prao 23 alors que les Chefs d’Etat de la CEDEAO et plus particulièrement ceux de l’UEMOA en sont à leur énième report de date de la création d’une monnaie commune adossée à un panier de monnaie et doté d’un pouvoir libératoire ? La réponse est non ! La question monétaire africaine ne peut se résoudre avec des positions partisanes et populistes. La responsabilité, voire la faute des chefs d’Etat africains de la zone, pris collectivement doit faire partie du débat. S’ils sont si poltrons pour prendre des positions courageuses de créer une monnaie souveraine parallèle au Franc CFA, il faut alors apprendre à démissionner et laisser d’autres, plus avertis et plus innovatifs, prendre le relais.
La bureaucratie de la CEDEAO n’a d’égal que l’hypocrisie collective des dirigeants africains, incapables même de suivre l’exemple de nombreux pays qui sont sortis du giron français au plan monétaire. Pour réussir une copie de l’ECO, il faut des dirigeants qui aient comme devise, la France avant l’UEMOA ou la CEDEAO. Alors, aujourd’hui, les analyses partiales où les dirigeants africains sont considérés comme non responsables sont à proscrire pour être crédible. La réalité est que de nombreux experts du FCFA manquent d’imagination. L’avenir de la monnaie commune passe par une monnaie créée sur une décision politique de souveraineté et avec ceux qui sont volontaires et y croient.
La réalité est que l’on n’a pas besoin de tout le monde pour créer une monnaie commune. De plus, cette monnaie tant attendue par les populations, doit pouvoir s’utiliser en parallèle avec l’actuel FCFA jusqu’à une mort naturelle de cette dernière, du simple fait de son absence de pouvoir de libératoire. Qui parmi les citoyens africains va continuer à utiliser le Franc CFA qui l’on ne peut l’échanger que contre de l’EURO à un taux fixe et surélevé ? Personne ! De nombreux partenaires commerciaux de l’Afrique sont prêts à accepter, voire soutenir une monnaie africaine souveraine autre que le FCFA, surtout ceux des principaux partenaires qui n’ont pas d’antécédents coloniaux avec l’Afrique. Mais, ce sont les chefs d’Etat qui « cachent » derrière la bureaucratie de leurs institutions respectives, une trahison du Peuple africain ou alors un manque d’innovation renforcé par un système de gouvernance qui empêche de les contester sur leur incompétence.
Les Etats n’ont pas d’amis, mais que des intérêts… Aussi, la France d’Emmanuel Macron défend les intérêts des Français, et donc défend sa monnaie, le Franc CFA en lui donnant une nouvelle dénomination : l’ECO franco-ivoirienne, usurpant ainsi celle annoncée en fanfare par des Chefs d’Etat de la CEDEAO qui croient toujours que le monde avance au rythme de « tortue », assimilé à de la « sagesse » qu’ils chérissent collectivement.
La prochaine fois, la CEDEAO pensera à faire enregistrer un « copyright » sur le nom « ECO ». On n’avance pas le nom d’une monnaie quand on est incapable de mettre en circulation cette monnaie dans les temps impartis. Alors, les chefs d’Etat de la CEDEAO qui croient en une monnaie souveraine devrait se passer de ceux de leurs pairs qui ont choisi de s’aligner sur l’EURO sans pour autant participer au conseil d’administration de l’EURO. Sous couvert de sécurité pour leur maintien au pouvoir, les chefs d’Etats de la zone UEMOA ont en fait opté pour la soumission, la servitude, la dépendance, bref la trahison des Peuples d’Afrique de l’Ouest « fatigués » de ne pas voir leur monnaie commune voir le jour. On ne peut continuer à en nier l’évidence. Les activistes devraient corriger leur copie. En effet, la France n’agit jamais seule en Afrique sans son réseau tentaculaire multiforme : ésotérique, militaire, financier, économique, culturels, social et finalement alimentaire.
Moins qu’une fin symbolique du FCFA, il s’agit d’une conversion par l’usurpation d’un patronyme afin de ne pas perdre ceux des chefs d’Etats africains agissant comme des courroies de transmission de l’intégration à la française. Contrairement à ce qu’a affirmé la porte-parole du gouvernement français Sibeth Ndiaye 24, il n’y a donc pas en réalité « un renouvellement de la relation entre la France et l’Afrique » et « une nouvelle page de notre [France et les pays membres de l’UEMOA] histoire », mais bien :
# d’une part, une palingénésie au sens de régénération « ésotériques » des relations entre les chefs d’Etat africains accordant une priorité à la France avant celle accordée à leur population ; et
# d’autre part, une déconcentration-décentralisation de la décision unilatérale de la France via des agents zélés, couards, prêts à tous compromis à condition que la France leur assure leur maintien au pouvoir, ou celui de leur affidés, tordant au passage le cou à la vérité des urnes, et donc l’expression démocratique du Peuple africain.
Il est donc évident qu’il suffit de contrôler une partie du « maillage décisionnel 25 » en Afrique avec en filigrane les forces armées respectant à la lettre les accords secrets de défense, pour que l’opération de communication de la « fin » du Franc CFA trompe quelques Africains, trop préoccupés par la pauvreté quotidienne pour saisir les enjeux de leur propre servitude monétaire au point de croire et même d’affirmer que le FCFA serait une « monnaie africaine » … Quelle mystification culturelle réussie grâce à une francophonie alimentaire !
Mais ce qui est sûr, la « nouvelle page » de l’histoire commune entre le chef d’Etat français et les chefs d’Etat des pays de l’UEMOA ne met pas fin aux accords secrets, surtout pas les volets les plus avantageux pour la France et les plus asphyxiants pour le Peuple africain à savoir :
# le droit de premier refus sur toute ressource brute ou naturelle découverte dans le pays ;
# la priorité aux intérêts et aux entreprises français dans les marchés publics et appels d’offre publics ;
# le droit exclusif de fournir des équipements militaires et de former les officiers militaires des colonies ;
# le droit pour la France de déployer des troupes et d’intervenir militairement dans le pays pour défendre ses intérêts ;
# l’obligation de faire du français la langue officielle du pays et la langue pour l’éducation ;
# renoncer à toute alliance militaire avec d’autres pays, sauf autorisation de la France ;
# l’obligation de s’allier avec la France en cas de guerre ou de crise mondiale 26.
En Afrique, les morts ne sont pas morts. En France, le Franc CFA n’est pas mort. Il change de nom pour circuler comme un mort-vivant. YEA.
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Directeur Afrocentricity Think Tank
yamaizo@afrocentricity.info
© Afrocentricity Think Tank
23 mai 2020