Présidentielle 2020 : Un goût d’inachevé…

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photo@togoactualite.com

Les résultats définitifs de l’élection présidentielle du 22 février dernier ont été rendus publics ce mardi 03 mars par la Cour constitutionnelle. La réélection de Faure Gnassingbé a été simplement confirmée par Aboudou Assouma et les siens qui lui ont attribué un score de 70,78 % des suffrages. Le vin est tiré, il faut le boire, dit l’adage. Le débat est clos pour le pouvoir RPT/UNIR, qui appelle par la même occasion le contestataire principal Agbéyomé Kodjo à tourner la page. Mais ce scrutin laisse comme un goût d’inachevé dans la gorge des Togolais.

70,78%, 19,46%, 4,68%, 2,40%, 1,20%, 0,80% et 0,68%. Ce sont les suffrages attribués par la Cour constitutionnelle dans l’ordre de classement à Faure Gnassingbé, Agbéyomé Kodjo, Jean-Pierre Fabre, Aimé Gogué, Komi Wolou, Georges Kouessan et Tchassona Traoré, lors de sa proclamation des résultats définitifs le mardi 3 mars. Contre respectivement 72,36%, 18,37%, 4,35%, 2,38%, 1,14%, 0,77% et 0,63% à eux attribués par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) le dimanche 23 février dernier. Faure Gnassingbé est ainsi proclamé élu dès le premier tour pour un quatrième mandat consécutif au pouvoir.

Evidemment, c’est la joie dans le rang du régime RPT/UNIR. « Regardez le visage de tout le monde, y compris le mien, je suis aux anges parce que le chef de l’État élu va travailler pour le bien-être de tous les Togolais et toutes les Togolaises », s’est emporté le Premier ministre Komi Klassou au terme de la séance de proclamation des résultats définitifs au siège de la Cour constitutionnelle, et d’ajouter ; « En plébiscitant Faure Gnassingbé, les Togolais ont choisi le camp de la paix, de la sécurité et de la stabilité pour un développement partagé ». La fête a eu lieu au sein du sérail et se poursuit d’ailleurs. Mais c’est le sentiment contraire au niveau de l’opposition, notamment chez le candidat Agbéyomé Kodjo qui s’estime spolié de sa victoire. Et il ne compte pas jeter les armes.

« Je reste profondément convaincu que la vérité dans cette affaire triomphera très prochainement. La lutte ne peut pas s’arrêter là, j’ai une responsabilité vis-à-vis de ceux qui ont voté pour moi, mais je dis bien que je suis légaliste. Je veux convier ceux qui ont voté pour moi à aller chercher la victoire ». C’est la réaction d’Agbéyomé Kodjo sur RFI, suite à la confirmation de la victoire de Faure Gnassingbé par la Cour constitutionnelle ce mardi, avec un taux de 70,78 % des suffrages, contre 19,48 % pour le candidat de la dynamique Kpodzro.

« Agbéyomé Kodjo a effectivement remporté le scrutin présidentiel du 22 février 2020 », ont réaffirmé les forces démocratiques de la dynamique Kpodzro, en conférence de presse ce mercredi à son domicile. La coalition a exigé de nouveau « le rétablissement de la vérité des urnes à travers la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote et le transfert du pouvoir au véritable vainqueur » et appelé les électeurs et électrices en particulier et les  populations en général à « défendre par tous les moyens légaux et conformément à l’article 150 de notre Constitution, leurs votes et la victoire chèrement obtenue dans les urnes ».

Dans les conditions normales, cette proclamation des résultats définitifs du scrutin est synonyme de clôture du processus électoral. Et c’est comme cela que le régime conçoit ce verdict de la Cour constitutionnelle. « La messe est dite », jubile republicoftogo.com. « J’ai souvent entendu Agbéyomé Kodjo dire qu’il est un républicain et un démocrate. Nous espérons qu’il le sera véritablement et qu’il sera légaliste et saura respecter à la fois les lois de notre pays et cette décision finale et définitive de la Cour constitutionnelle, et que la page de l’élection va être définitivement tournée », a glosé Gilbert Bawara. Ici, on met le cap sur la mission qui attend le « Messi » réélu durant ce quatrième mandat au pouvoir. « Place au travail; en toute humilité », a tweeté l’« heureux élu » Faure Gnassingbé.

Même orientation dans le rang des ailes marchantes du pouvoir RPT/UNIR. « Une page se ferme (…) A ceux qui veulent continuer à théatraliser la contestation des résultats, en bons républicains, le verdict de la cour constitutionnelle met un terme à toutes les récriminations. Passons à autre chose. Et ne cédons pas au ridicule.  Le NET va s’atteler à préparer les élections régionales, tel que promis. Pour le reste, la messe est dite. Mettons-nous au travail pour développer notre pays. On ne mange pas la politique », a écrit l’inénarrable Gerry Taama.

            « Togolais, dites-moi : est-ce vrai que c’est parti encore pour 5 ans de répression, de misère, d’incurie, de bastonnade, de faim, de vol, de mensonges ? Non et non !!! ». Ces écrits d’un compatriote sur son statut Facebook lancent vraiment la problématique. Ils sont nombreux, les Togolais à se poser aussi cette question : c’est fini comme ça ?

Au niveau d’Agbéyomé Kodjo, on n’abdique pas. Le « Président élu » a annoncé au cours de la conférence de presse de ce mercredi, que son Premier ministre nommé en la personne d’Antoine Koffi Nadjombé, est à pied d’œuvre pour former son gouvernement. On peut donc croire que tout n’est pas encore fini, comme le pense le régime qui clôt précipitamment la page de l’élection présidentielle. Mais le commun des citoyens s’interroge sur la suite des événements, appréhende le futur avec fatalisme. Et il a l’impression d’une symphonie inachevée.

En effet, c’est une constante que les Togolais sont démobilisés depuis longtemps quand il s’agit d’élections. C’est palpable dans les taux de participation aux différents scrutins qui chutent. Le pic aura été les élections locales du 30 juin 2019 au cours desquelles le taux de participation était d’à peine 25 % dans certaines communes à Lomé. Mais un certain espoir est né autour de la candidature d’Agbéyomé Kodjo. Le fait d’entourer sa désignation comme candidat unique de l’opposition (sic) d’une onction divine, avec la caution morale de Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, a séduit nombre de Togolais, fondamentalement croyants et fatigués de la longue lutte démocratique sans issue. Ses liens avec le régime en place ont également convaincu beaucoup qu’il serait plus facile pour le clan de lui transmettre le pouvoir qu’à toute autre personnalité…

Nombre de gens ont été donc emballés et une certaine agitation a entouré l’homme et sa campagne électorale menée. Certains le voyaient même avant le scrutin Président de la République et jubilaient déjà. Mais c’est la déception qui est au bout, avec la sortie de la Cour constitutionnelle qui, mine de rien, clôt officiellement la page du scrutin. Sous réserve d’un coup imprévu d’Agbéyomé Kodjo et d’un miracle, tout porte à croire que le coup de force du « Messi » est en train d’être consommé, comme les précédents. C’est la résignation manifeste au sein de l’opinion. Et c’est ici que tout l’espoir d’alternance avec ce scrutin et la coulée d’adrénaline apparaissent de plus en plus comme du gâchis, une symphonie inachevée. Le goût laissé dans la gorge est amer…

Tino Kossi

source : Liberté

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