«L’Afrique est un paradoxe qui illustre et met en évidence le néo-colonialisme. Sa terre est riche, mais ses ressources continuent à enrichir non pas les africains, mais les individus qui œuvrent à l’appauvrissement de la population africaine ; l’Afrique doit s’unir ou périr »(Dr Kwame N’krumah)
L’élection présidentielle du 22 février 2020 appartient désormais à l’histoire. Faure Gnassingbé part pour un nouveau mandat problématique de cinq (5) ans. Le problème togolais reste entier. La crise togolaise dans laquelle le pays s’est installé depuis le coup d’Etat sanglant du 13 janvier 1963 n’est pas encore résolue.
L’alternance pacifique qui sortirait le Togo du régime d’exception pour le faire entrer dans la démocratie participative semble reléguée aux calendres grecques. En effet, depuis le début des années 90, l’opposition togolaise n’a pas encore trouvé le moyen de passer du stade de contestataire des résultats de l’élection présidentielle pour se parer du manteau de gagnant officiellement confirmé. 2020 a malheureusement consacré la théorie de l’éternel retour du même : une opposition populaire qui prétend gagner la présidentielle sans pouvoir en apporter la preuve face à un pouvoir vomi par les populations mais qui gagne systématiquement toutes les élections par le concours d’un système électoral qu’il contrôle de bout en bout.
De plus en plus, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président de la république. Toutes les institutions sont des ailes marchantes du pouvoir RPT/UNIR. La Cour Constitutionnelle, la CENI, et la HAAC ne sont pas neutres et impartiales. Lors de la prestation de serment de Faure Gnassingbé, le président de la Cour Constitutionnelle a perdu les réflexes du magistrat en versant dans un discours militant ponctué d’éloges à l’endroit du dictateur tout en menaçant vertement ses adversaires. Du jamais vu en droit constitutionnel comparé !
Le Togo est donc de retour aux années de plomb. Dans cette situation qui éloigne davantage le peuple togolais de l’exercice réel de sa souveraineté, il est du devoir des partis politiques de l’opposition, toute tendance confondue, de faire un exercice de réorganisation pouvant déboucher si possible sur leur fusion en un bloc alternatif crédible pour l’alternance et le changement. Le multipartisme intégral retenu par la charte des partis de 1991 a plutôt permis au régime en place de se maintenir au pouvoir par des manœuvres de division de l’opposition et les coups de force électoraux.
Les partis de l’opposition ayant échoué individuellement dans leur entreprise de conquête du pouvoir d’Etat, leur fusion en un bloc solide pourra leur permettre de constituer une force politique susceptible d’apporter un changement qualitatif dans le débat politique au Togo. Cette fusion des partis d’opposition aura l’avantage de fédérer les moyens matériels, financiers et humains dans l’optique d’un meilleur quadrillage du territoire national, village par village, canton par canton. Elle permettra également de revoir l’équilibre des institutions et, bien évidemment l’émergence d’une société civile plus forte et indépendante.
Cette réforme du système partisan aura principalement pour conséquence l’émergence des syndicats plus libre et indépendants du pouvoir politique. Ce quasi bipartisme (appelons les choses par leur nom) ne doit pas accentuer la division du pays en nord/sud mais au contraire doit être un brassage de toutes les ethnies et forces vives de la nation dans l’un comme dans l’autre camp. Petit à petit, l’appréciation des programmes politiques comme élément de choix des politiques publiques mettra le citoyen togolais au centre des préoccupations des acteurs politiques.
Au royalisme qui caractérise l’exercice du pouvoir actuel on passera progressivement au loyalisme et l’obligation de rendre compte. Fondamentalement, avec le risque de la présidence à vie qui se dessine sous Faure Gnassingbé, il ne sert plus à rien d’évoluer dans un multipartisme intégral sans démocratie. Sans pour autant avoir la prétention de proposer à travers cette tribune une solution panacée, cette réforme permettra sans doute de résoudre une partie du problème des partis politiques commerciaux par lesquels n’importe qui se lève pour créer une formation politique.
Un parti politique ne se résume pas à la personne de son président et de quelques amis. Un parti politique c’est des cadres bien formés, des militants convaincus et une organisation sérieuse avec des moyens matériels, financiers conséquents pouvant permettre de piloter l’action du gouvernement sans tâtonnements une fois parvenu au pouvoir. Devant le RPT/UNIR qui utilise allègrement les moyens de l’Etat pour se maintenir, le PNP, le MPDD, l’ANC, l’ADDI, le CAR, la CDPA, le PSR, l’UFC, l’UDS-TOGO, le FDR, le parti des Togolais, le TOGO Autrement, les Démocrates, la CPP, le NID etc… et que sais-je encore ne représentent rien individuellement.
Tous ces partis ont fait la pluie et le beau temps. Ils ont prouvé leurs limites. Ils doivent s’effacer au profit d’un grand rassemblement plus structuré et fort par rapport au parti au pouvoir qui a une longévité assez particulière sur la scène politique africaine. L’opposition a une part de responsabilité dans la situation de déficit démocratique qui prévaut sur la terre de nos aïeux.
Elle doit sortir des querelles de personne en adoptant la philosophie de démocratie d’abord multipartisme ensuite. C’est l’un des moyens appropriés pour déverrouiller les institutions de la république et désenclaver électoralement le nord du pays, bastions de la fraude électorale en faveur du régime. En politique, c’est le terrain qui commande la stratégie. L’opposition togolaise doit s’unir ou périr.
KOLAGBE Kwadzokouma