Le mandat social à l’épreuve du Covid-19 (Deuxième partie)

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FEG | Infog : RT

Le coronavirus et les failles du mandat social

Tous les pays touchés par cette pandémie cherchent des solutions pour lutter efficacement contre la pandémie au Covid-19. Les modèles de la société occidentale, même s’ils sont à dominante libérale, comportent des filets sociaux qui, en ce moment peuvent leur permettre de lutter efficacement contre la crise. Malgré tous ces dispositifs, ces sociétés sont farouchement secouées par cette pandémie. Quid de l’Afrique ?

Dans deux précédentes publications signées par les auteurs de cet article, et que nous mettons à votre disposition, il a été question des problèmes d’ordre structurel que la pandémie au Covid-19 va poser à la majorité des pays de l’Afrique Subsaharienne et l’incidence des décisions politiques prises au Togo dans le cadre de cette lutte.

Même si les cinq dernières années ont été placées sous le sceau du mandat social, force est de constater que malgré des initiatives très louables qui sont porteuses d’espoir, les chantiers sont encore immenses.

Le bilan global du mandat est assez contrasté. Le Togo a encore du chemin à parcourir en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté. Car actuellement, près la moitié de la population du pays (49%) vit, non pas dans la pauvreté, mais en dessous du seuil de la pauvreté. Selon l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques et Démographiques (INSEED), dans un rapport publié en juin 2018, « le taux de pauvreté a diminué, passant de 62% en 2006 à 55% en 2015 ». De 2015 à 2017, ce taux est passé de 55% à 53,5%. 

Malheureusement, au moment où le gouvernement prenait des mesures pour inclure la population dans la dynamique du développement, les premières nécessités n’ont pas suivi le même chemin. Un tour devant les étalages de marchandises alimentaires de premières nécessités (maïs, riz, tomates, huile…) livre un diagnostic sans précédent. L’inflation a connu une trajectoire ascendante pour atteindre 0,9% en 2018, et devrait se maintenir à 2% en 2020, portée par la demande intérieure alors que le niveau de vie ne s’est pas vraiment amélioré pour une grande partie de la population. 

En 2017, le pays a connu des tensions sociales avec “les marcheurs rouges” qui réclamaient un retour à la constitution de 1992 et le vote de la Diaspora. Ces manifestations, dans presque toutes les grandes villes du pays, réprimées parfois violemment, montrent en effet tout le chemin à parcourir pour atteindre la démocratie. Le gouvernement a, en quelque sorte, cédé aux revendications. Dans les faits, le vote de la diaspora a été mis en place, même si ce ne sont qu’à peine 350 Togolais de la Diaspora qui ont pu s’inscrire sur les listes électorales des dernières élections présidentielles de 2020 ; le mandat présidentiel a été finalement limité à deux (5ans) sans effet rétroactif. Une petite victoire en gros pour les “marcheurs rouges”. Aussi des élections locales ont été organisées en 2019, les premières depuis plus de trente ans.

Concernant la santé, le constat est effroyable. Durant le mandat social, les grèves et contestations -à juste titre d’ailleurs- du personnel médical n’ont jamais été aussi intenses, tant la situation des hôpitaux et autres centres de santé publics du Togo, sur l’ensemble du territoire est déplorable et inquiétante. Les équipements nécessaires et adéquats manquent. Bref, l’hôpital public togolais ne rassure pas, et pourtant le personnel soignant reste de qualité. 

La croissance économique continue d’évoluer. Elle devrait s’établir à 5,2% en 2020 contre 4,8% en 2019, 4,9% en 2018 et 4,4% en 2017. Toutefois, le pays reste en deçà de la moyenne sous régionale. La croissance a été essentiellement portée par le rebond de l’industrie extractive et le secteur agricole, qui fournit près de 60% des emplois. Pourtant les crédits alloués à ce secteur -agro-industriel- ne font à peine que 0,5% des crédits accordés à l’économie selon  La Banque Africaine de Développement.

Le développement humain au Togo reste très mitigé. En 2019, au vu de l’indice de développement humain (0,503), le pays est classé 165ème au rang mondial (sur 189 pays classés) et 32ème au rang africain (sur 53 pays africains classés).

Quant à l’éducation, le taux de scolarisation au cours primaire reste très élevé à plus de 100%. Mais plus on avance dans la formation scolaire, cela devient difficile. Les formations proposées dans les universités et autres écoles du supérieur, ne répondent pas aux besoins des entreprises. Entre les lycées d’excellence et les universités- qui sont en plein chantier-, il faut certainement une profonde réforme de l’éducation togolaise pour faire du pays un centre d’excellence, afin que les ressources intellectuelles y restent et contribuent au développement économique et intégral du pays.

Les chiffres officiels montrent qu’en 2018, le taux de chômage était de 3,4% au Togo mais  80% des emplois sont précaires. Cependant le climat d’affaires s’améliore, avec un gain de 40 places dans le Classement Doing Business -avec une facilité de création d’entreprises- mais cette embellie reste encore insuffisante pour atteindre les objectifs fixés. Entre une pression fiscale déjà jugée insupportable pour les entreprises locales, mais qui reste faible -entre 16 et 20% du PIB- pour soutenir le budget national, le gouvernement est pris dans un étau très resserré. Afin de ne pas asphyxier le peu d’entreprises viables, il faut impérativement élargir la base fiscale aux particuliers. Mais dans un pays où les revenus sont faibles, la multiplication d’entreprises viables devrait permettre d’alléger les charges fiscales qui pèsent sur ces dernières.

Les initiatives pour la Finance Inclusive, les micro crédits alloués au secteur informel doivent être revues car leur efficacité et leur impact sur la réduction de la pauvreté restent difficiles à démontrer. Dans des pays où la pauvreté est endémique -près de 50% sont extrêmement pauvres- un secteur informel trop important, –près de 88% des emplois sont dans l’informel, et des emplois pour la quasi-majorité précaires (80%), de profondes réformes structurelles doivent être mises en place, d’abord pour que le secteur informel puisse véritablement participer à la croissance du pays; ensuite pour doter les travailleurs actuels d’un emploi décent et enfin pour effectivement soutenir la création de nouveaux emplois convenables. Ainsi lorsqu’une une grande partie de la population aura un bon revenu, la consommation locale augmentera, mieux les entreprises se porteront, la demande interne sera plus forte, la croissance suivra, de nouveaux emplois seront créés. Car la création d’entreprises -donc d’emplois et de richesses-, au delà des questions du financement, n’a de sens que si la demande intérieure et la consommation locale peuvent absorber les produits que les entreprises vont mettre sur le marché.


Aujourd’hui encore plus qu’hier, à l’heure où le covid-19 fait rage, où les décisions prises par le gouvernement togolais pour y faire face -contestées à tort ou à raison- se heurtent à une structure sociale faible ou quasi inexistante et à une organisation défaillante, il faudra nécessairement tirer les leçons de cette crise, afin de mieux bâtir une nouvelle société togolaise répondant aux aspirations profondes des populations.

Nous ne pouvons pas terminer notre article sans proposer des solutions. Elles seront l’objet d’un article distinct sur lequel nous travaillons actuellement. Cette dernière partie va rassembler beaucoup de spécialistes de différents secteurs. Entre professionnels de la santé, de l’éducation, de l’économie, fiscalistes et juristes…, il s’agira de pistes à creuser afin de permettre au pays de basculer dans une nouvelle ère qui doit se vouloir plus inclusive, plus rassurante et porteuse d’espoir pour les générations à venir. 

Quoiqu’il en soit, Dieu bénisse le Togo et nous protège.

A suivre…

Sources :

ELITSA Yohanes analyste et consultant en communication
AGBALA Yakou Analyste Économique et financier

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