Kokou Degbe est maire de la commune de Yoto 3. Tout comme ses autres collègues, il souffre de la non disponibilité des fonds et éprouve les mêmes difficultés à engager véritablement sa mission. Toutes les dépenses ou presque pour l’instant sont supportées par sa poche. Mais jusqu’à quand ? Néanmoins, lui et son conseil municipal sont porteurs de grandes ambitions pour le développement de Yoto 3. Autant de confidences faites dans cet entretien à nous accordé.
Vous êtes à la tête de la mairie de Yoto 3 depuis quatre (04) mois. Donnez-nous un aperçu de vos actions durant ce temps…
A notre prise de fonction, nous avons eu à faire une tournée dans presque toute la commune. Nous avons rencontré les CVD, les chefs traditionnels, les CDQ, bref les acteurs de développement pour présenter notre équipe, leur expliquer la mission qui nous est confiée et nous les avons appelés à être de notre côté. Nous leur avons signifié clairement qu’il est vrai que nous sommes portés par des partis politiques, mais dans l’exercice de notre fonction, nous allons travailler avec toutes les formations politiques sans distinction aucune, tel que je l’avais dit à mon élection à la tête de la commune.
Après, nous avons sillonné tous les marchés qui sont dans notre commune et nous avons constaté que les choses n’allaient pas bien. Il y a l’exemple du marché qui est dans ma commune natale, le marché de nuit de Monènou que j’ai pris sur moi-même de visiter. Le marché-là s’anime trois fois dans la semaine et uniquement les nuits. J’ai été une nuit et j’ai constaté que bien que les bonnes dames donnent de l’argent, les collecteurs ne leur donnent pas de ticket. Nous les avons invités tous dans nos bureaux ainsi que les deux commissaires qui sont dans la commune, ceux de Gboto Vodoupe et de Gboto Zévé (…) Nous leur avons dit ce qui se passe dans les marchés et ils nous ont aidé à expliquer aux collecteurs que ce qu’ils font là, mérite la prison. Les jours qui ont suivi, tout est rentré dans l’ordre. De zéro franc, on arrive à faire rentrer 15, 18, 20 voire 30 000 F par marché, ce qui nous donne une moyenne de 55 à 60 000 F par semaine.
On a été au marché de Gboto aussi, on fait une réunion avec tous les collecteurs, pour les mettre sur les rails parce que sans eux, nous ne pouvons pas développer la commune. Ce sont les acteurs clefs, ce sont eux qui font rentrer de l’argent dans les caisses de la commune. On les a invités à travailler dans la sincérité et dans le respect, parce qu’on a besoin de tous les acteurs pour un développement durable de notre commune.
Nous avons également rencontré les responsables de Scan Togo pour voir dans quelles mesures on peut commencer à percevoir les taxes sur les camions qui chargent le clinker ici pour Lomé, Dapaong, Sokodé, le Burkina et autres destinations. Ils sont d’accord et nous avons délibéré sur le prix à prendre sur chaque camion. Donc dans les jours à venir, nous allons commencer à percevoir ces taxes.
La plupart de vos collègues se plaignent de la non disponibilité des fonds publics et sont contraints de mettre la main à leurs propres poches pour assurer des dépenses en attendant. Est-ce votre cas aussi ?
Nous sommes dans le cas aussi. Une fois qu’on a été installé, dans les deux premiers mois, c’est moi-même qui payais l’électricité, le papier-rame, les enveloppes, les stylos et tout. Même le badigeonnage de notre local, le changement des tôles, c’est moi-même qui les ai faits, croyant que l’Etat allait régler dans les brefs délais, mais hélas. Nous n’avons pas notre propre budget parce que le budget qui a été laissé, c’est celui du conseil à l’époque. Du coup, ça a pesé sur moi. Sans vous mentir, j’ai dû vendre un de mes terrains pour pouvoir régler une partie de ces dettes en attendant que la commune me règle. J’ai été confronté à plusieurs problèmes ; ce n’est pas nous seuls, je pense que ce sont toutes les communes du Togo (…).
Pour le moment, nous n’avons pas encore le budget à notre disposition. Il a été élaboré et envoyé au ministère. Maintenant le Secrétaire Général, le comptable, le Président de la Commission Economique et Finance et le 2e adjoint ont été au ministère pour le défendre. Maintenant il reste à faire la session budgétaire, la correction et renvoyer au ministère avant qu’il ne donne son OK pour qu’on commence à faire sortir les fonds. Donc pour le moment, on est toujours confronté à des problèmes d’argent. On attend patiemment. Dès que la session sera faite, quand le OK sera donné, les fonds seront mis à notre disposition pour commencer les travaux de la commune.
Globalement, les choses ne semblent pas encore bouger à la tête des communes. Les populations de la vôtre ne vous pressent-elles pas par rapport à vos promesses de campagne ?
Oui, les populations sont impatientes de voir commencer les activités ou les promesses de campagne. Mais vous savez (…), ce ne sont pas mes promesses seules qui seront réalisées, il y a aussi les conseillers qui en ont fait, on doit tenir compte des besoins de la commune pour satisfaire les populations. On a ciblé les besoins prioritaires pour constituer le budget (…) Les populations ont raison d’être pressées, mais nous leur expliquons que pour le moment, le budget n’est pas encore prêt, donc qu’elles se calment et dès qu’il sera prêt, nous allons les satisfaire. On se contente donc de les calmer pour le moment. Mais dès que le budget sera prêt, nous allons commencer ce qu’on peut faire.
Quelles sont les autres difficultés rencontrées ?
La première difficulté, c’est le moyen de transport, le moyen de déplacement. L’Etat n’en a pas mis à notre disposition. Par exemple moi, c’est avec mon propre véhicule que je vais au boulot. Et pour le carburant, c’est moi-même qui paie. Donc tout ça là, ça pèse sur nous. Nous sommes appelés à servir l’Etat, et donc on doit mettre à notre disposition tous les moyens ; mais hélas, ce n’est pas fait, on fait avec pour le moment. Donc dans les quatre mois, les réparations de véhicule, le carburant, c’est nous-mêmes qui gérons. Des fois quand le véhicule tombe en panne et il faut aller au boulot à 7 heures (…) Il y a plein de difficultés qu’on ne peut pas citer ici (…) On a des problèmes d’ordinateur, d’étagères pour pouvoir sécuriser les documents d’état-civil. Tout est à terre, donc on a dû chercher des bancs pour mettre les documents là-dessus. Parce que si vous les mettez par terre, il y a des termites qui les rongent ou bien la fraicheur aussi qui les fait pourrir (…) Les difficultés, on en a en quantité industrielle.
Quels sont les grands projets et ambitions du maire Kokou Degbe pour Yoto 3 ?
C’est d’abord et avant tout la route, parce que presque toutes les routes de ma commune sont dégradées, et la construction des caniveaux pour sauvegarder l’état des routes ; parce que sans les caniveaux, quand il pleut, elles se dégradent. Donc il faut nécessairement en construire. Ensuite la construction des salles de classe, l’eau potable (…) Je ferai tout pour qu’on puisse avoir de l’eau potable au niveau de chaque village, pour éviter aux femmes de parcourir plusieurs kilomètres pour puiser de l’eau. Il y a également l’électrification de nos villages.
Ce sont ces 4 projets-là qui me tiennent à cœur. L’accent sera mis premièrement sur les routes. Parce que si vous avez les routes en bon état, le déplacement aussi se fait facilement et les commerçantes et commerçants peuvent aller librement au marché, revenir. Actuellement quitter Gboto pour Tometikon, ce sont plusieurs kilomètres de route…
Quelles sont vos relations avec le reste des membres du conseil municipal et vos autres collègues maires ?
Il n’y a pas de problème, les relations sont bonnes. Même avec les autres maires, on s’appelle régulièrement pour se saluer (…).
J’ai aussi de très bonnes relations avec les responsables de Scan Togo. En termes de réalisations, la société a travaillé. On ne peut pas la comparer à d’autres qui sont implantées il y a vingt ans. C’est une société à féliciter. En termes de réalisations, je la félicite et l’encourage à continuer dans ce sens.
Un mot aux populations de Yoto 3…
Je leur dirai d’être patientes, et que dès que le budget sera prêt, nous allons répondre à leurs besoins. Ensuite, tout ce qui peut nous diviser dans la commune, elles n’ont qu’à l’éviter. La première chose que je prône pour la commune de Yoto 3, c’est la réconciliation, c’est le vivre ensemble, parce que nous sommes tous filles et fils d’une même mère qui n’est autre que Yoto 3. Donc nous avons l’obligation de préserver la paix et rester ensemble.
Source : letabloid.com