« Le faible n’arrive pas à pardonner. Le pardon est l’apanage du fort » (Gandhi)
Le refus de toute libération Kpatcha Gnassingbé arrêté en 2009 dans une sordide affaire de tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat et condamné à 20 ans de bagne, s’avère à double tranchant pour Faure Gnassingbé. Qui devrait personnellement veiller à ce qu’il n’arrive aucun malheur à son demi-frère dans son lieu de détention. Au risque de se mettre à dos bon nombre des membres de sa famille biologique et politique, de l’opinion, des organisations des droits de l’Homme mais aussi des chefs d’Etat et diverses autres personnalités qui ont plaidé le sort de Kpatcha Gnassingbé en vain.
Même malade et abandonné depuis 11 ans à la prison civile de Lomé, Kpatcha n’a sans doute pas dit son dernier mot. Il a dû être exfiltré de son cachot mardi suite à la mutinerie qui a éclaté dans ce pénitencier. Le moins qu’on puisse dire c’est que l’ancien ministre de la Défense et des Anciens Combattants demeure une arête dans la gorge de Faure Gnassingbé.
Pour un président pieux, décrit comme fervent catholique et assidu au Vatican, il est difficilement compréhensible qu’il ait la rancune aussi tenace pour refuser de pardonner à son demi-frère. Pourtant il était initiateur d’un processus de réconciliation, la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) destinée à faire la lumière et à tourner la page des douloureux évènements qu’a connus le Togo dans son histoire pour amorcer une démarche de réconciliation sincère. Malheureusement, Faure Gnassingbé qui voulait réconcilier 8 millions de Togolais n’a pas été en mesure de réconcilier sa propre famille.
Plusieurs chefs d’Etat et diverses personnalités parmi lesquelles Mgr Nicodème Barrigah, président de la CVJR, se sont impliqués dans cette affaire pour tenter de réconcilier les deux frères ennemis. Mais Faure Gnassingbé est resté de marbre. Même la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO et l’avis du Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire demandant la libération de Kpatcha Gnassingbé n’ont rien fait.
L’ancien député de la Kozah avait introduit par le truchement de son conseil, une demande de grâce qui a été balayée du revers de la main par la présidence. Le chef canton de Pya aurait également intercédé auprès de Faure Gnassingbé. Sans succès. Le ressentiment est trop tenace.
Un chef d’Etat doit être un modèle pour son peuple et incarner des valeurs. Diriger un pays dans la haine, la rancœur, l’intolérance…c’est conduire ce pays inexorablement vers l’abîme.
Lors de la crise sociopolitique qu’avait connue le pays en 2017, l’ancien médiateur de l’UEMOA, Albert Tévoédjrè, avait exhorté Faure Gnassingbé à « grandir ». « Profitez de ce temps précieux pour « Grandir, Grandir encore, Grandir davantage », lui avait-il écrit. Mais le jeune Prince n’a que faire de l’opinion des autres.
Le Congolais Jean-Pierre Bemba par exemple qui avait été accusé de crime de guerre, de crime contre l’humanité, viol, pillage, etc. a été libéré après 10 années passées derrière les barreaux à la Haye, malgré les lourdes charges retenues contre lui.
Ici au Togo, pour une affaire de complot dont les faits étaient difficiles à établir, Faure Gnassingbé fait subir depuis 11 ans les rigueurs de la vie carcérale à son frère. Certains sont convaincus que les raisons de cette terrible rancœur devraient être ailleurs…
Médard AMETEPE / Liberté