Cette publication aurait dû faire l’objet d’un article de presse, mais comme L’Alternative est suspendue pour deux (02) mois par la HAAC sous les ordres de l’ambassadeur de France au Togo, nous nous permettons de passer par ce canal pour informer les Togolais. Il ne s’agit pas d’une critique stérile, mais la description d’une situation qui doit nous inquiéter tous. Les faits décrits ici ne seront pas en français académique mais en un français facile accessible à tous.
Dans un premier communiqué rendu public par le gouvernement, il avait été dit que le CHU Campus était réquisitionné pour accueillir les personnes testées positifs au Coronavirus. Après plus d’une semaine de confusion et de pilotage à vue, le ministre de la Santé s’est résolu à changer de cadre. C’est ainsi qu’il a jeté son dévolu sur le CHR Lomé Commune à Kégué qui semble, par son aspect extérieur, le seul lieu convenable en ces temps. Le personnel de ce centre et tous les malades ont été mis dehors manu militari.
Le samedi le 21 mars dernier, le centre a commencé par accueillir les premiers patients. En dehors de ce que les autorités racontent tous les jours sur les médias, nous avons voulu malgré le risque faire un tour dans ce centre pour voir ce qui se passe réellement. Notre curiosité est d’autant plus grande qu’en faisant le tour dans la zone, on ne remarque aucun dispositif de sécurité à l’entrée du bâtiment. Il faut rappeler que les abords du CHR Lomé commune sont jonchés des tas d’ordures, l’entrée principale laisse à désirer. Pour un hôpital réquisitionné pour les cas testés au coronavirus, avouons qu’il y a déjà un souci. Et comme personne ne surveille le centre, ni les entrées ni les sorties, nous sommes invités à l’intérieur pour toucher la réalité et arracher un mot aux malades malgré les risques.
De notre infiltration dans ce centre et les témoignages reçus, il ressort ceci. Le CHR Lomé commune n’a pas été désinfecté avant l’admission des premiers patients. Vu l’état de saleté à l’intérieur du centre et aux alentours, il était plus que nécessaire de désinfecter les lieux. Rien n’a été fait dans ce sens. Lorsque les premiers patients sont arrivés, il n’y avait pas d’eau dans le centre. Il a fallu attendre mardi, c’est-à-dire 4 jours après l’arrivée des premiers patients pour réparer le suppresseur et remettre de l’eau dans les robinets. Jusque dans la journée d’hier, nous avons détecté 22 malades dont 5 cas testés négatifs, mais qui sont curieusement encore dans le CENTRE. Des 22 malades seuls trois ont reçu des produits composés d’une boite de Plaquénil (200 mg) et d’une boite d’Azifair 500 que vous pouvez voir en photo. Les autres patients sont laissés sans soin. Dans le centre, il n’existe pas encore de personnel déployé depuis plus d’une semaine. Il n’existe pas de médecin de garde, ni d’infirmier encore moins d’agents d’entretien. Les malades se débrouillent eux-mêmes pour nettoyer les toilettes et désinfecter les couloirs et les chambres au « detol ». L’état des toilettes et des douches du CHR laisse à vomir. Les lits sont sans draps et les malades eux-mêmes doivent se débrouiller.
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Ils sont pour certains 4 ou 6 par chambre sans climatisation. Lorsqu’ils ouvrent les volets (fenêtres) pour avoir un peu d’air, ils sont systématiquement envahis par les moustiques. Une situation de plus en plus insupportable pour les expatriés (Une Allemande, une française) admis au centre. (Nous publions les photos des lits et des toilettes pour que chacun puisse avoir une idée de la triste réalité). Ces photos ont été prises hier dans la journée et la soirée.
Le soir pour évacuer le stress les malades se dispersent sur la cour comme on peut le voir sur ces images sans aucune protection. Les poubelles non évacués sont aussi à côté. Sans aucun agent de sécurité à l’entrée, sans les forces de l’ordre, certains malades, selon les témoignages, sortent brièvement du centre pour revenir après. C’est en voyant ces conditions désastreuses et l’abandon des patients que le Béninois testés positifs a pris la poudre d’escampette pour se retrouver dans son pays, laissant son sac (confère photo) sous le lit de l’hôpital.
Selon les patients, on leur apporte régulièrement à manger, du moins trois fois par jour. Le menu est assez curieux. Pour le petit déjeuner, on leur donne un sachet de milo qu’on vend à 50 f dans les boutiques (A bas prix), du sucre, un pain au beurre et une bouteille d’eau. A midi, ils reçoivent « Ayimolou ou Attieke » avec une bouteille d’eau et le soir la pâte (Akumè) avec sauce gboma et une bouteille d’eau. Il n’y a pas de carton d’eau en permanence auprès des patients qui doivent en acheter eux-mêmes. Les familles de certains leur apporte à manger et les ambassades s’occupent aussi des expatriés. Il n’existe donc aucune prise en charge.
Selon les patients, les visites du personnel soignant sont rares. Ils notent néanmoins la disponibilité d’un médecin militaire qui passe souvent s’entretenir avec eux et leur remonte le moral. Parmi les 22 patients, il y a comme nous le disions des expatriés, le chauffeur de taxi qui aurait conduit le premier cas détecté dans une clinique de la place avec ses deux enfants (de 1 an et demi et 4 ans), un journaliste dans une situation préoccupante. Certains patients sont diabétiques et ne disposent pas de glucomètre pour prendre leur glycémie. Il n’y a personne pour prendre la température en permanence des patients, puisqu’il n’y a aucun personnel du corps médical sur les lieux. Dans cette situation lorsqu’un patient se retrouve dans une situation désespérée comme ce fut le cas hier de ce confrère, ce sont les patients eux-mêmes parmi lesquels il y a un médecin et une infirmière d’une clinique de la place, qui portent les premiers secours. Il n’y a pas de radio qui fonctionne, faute de personnel. Pas de respiratoire.
Parmi les patients admis dans ce centre, certains revenus d’Europe ont passé plusieurs jours à la maison avec leurs familles, reçu des visites des amis et proches avant de se voir testés positifs. Et tous ces gens avec qui ils ont eu des contacts sont dans la nature. Nous avons néanmoins remarqué que dans un des blocs du CHR, il se déroule des travaux de rénovation depuis une semaine, mais la question est de savoir face à l’urgence on a besoin de temps pour rendre optimum ce petit centre de santé.
Voilà chers compatriotes, la situation telle qu’elle se présente au CHR Lomé Commune. Si d’aventure dans les deux semaines qui arrivent on atteint un pic de propagation dans la ville de Lomé, puisque de potentiels infectés sont dans la nature, ce sera la catastrophe. Si les Européens et Américains sont lourdement touchés aujourd’hui avec le décompte sans cesse des milliers de morts, c’est qu’il y a eu un retard à l’allumage. Nous ne devons pas répéter les mêmes erreurs ici, surtout que nous n’avons pas les structures. Il y a urgence, la situation est grave et les autorités doivent retrousser rapidement les manches pour mettre fin aux petites querelles d’intérêts qui opposent le ministre de la Santé et certains spécialistes afin de déployer au plus vite le personnel soignant avec le matériel de protection au CHR de Lomé commune. Le risque de voir certains patients quitter le CHR pour se fondre dans la nature est grand.
Le palais présidentiel de Faure Gnassingbé est à 500 m de CHR Lomé Commune, il doit sortir de son confort pour aller toucher du doigt la réalité sur le terrain au lieu de se contenter des rapports qui sont loin de la réalité. En France, en Russie, en Chine, les dirigeants enfilent leurs combinaisons pour se rendre dans les hôpitaux et vérifier eux-mêmes ce qui se passe. Il faut agir vite sinon il sera trop tard.
Aux Togolais, il faut chacun prenne ses responsabilités en se protégeant. Vu les structures sanitaires et le pilotage en vue qui est en cours, nous sommes tous en danger de mort. Voilà les informations que nous avons voulu partager avec nos compatriotes sur la situation au CHR Lomé commune en espérant que les autorités vont vraiment se mettre au travail avant qu’il ne soit trop tard. Il faut mettre rapidement un dispositif de sécurité au CHR Lomé commune ne serait-ce que pour contrôler qui rentre et qui sort.
Nous partageons avec vous les photos des chambres, des lits, de certains patients qui sont à l’air libre la nuit. Vous pouvez voir également un sac noir abandonné par le Béninois sous un lit avant sa fuite. Il faut agir et maintenant. Nous nous excusons pour les coquilles.
Ferdinand AYITE (Directeur de publication du journal suspendu)