Alternance politique : Charles Kondi Agba souffre d’une avitaminose chronique de sagesse

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« L’alternance ne se décrétera pas. Il y a des gens qui attendent l’alternance. Mais nous, nous sommes déjà dans l’alternance. Quand le président Eyadema disparait et qu’une autre personne prend le pouvoir, c’est ça qu’on appelle alternance ». Ces propos sont ceux du Délégué général des sages d’Unir, Pr Charles Kondi Agba, lors d’une émission, dimanche, sur la chaine New World TV.

Est-ce un discours politique, une plaisanterie de mauvais goût ou une insulte à l’intelligence du peuple togolais ? La réponse à ces questionnements importe peu quand on considère la dimension de la déclaration faite par le responsable politique. En effet, depuis plusieurs décennies, le peuple togolais lutte contre la dictature des Gnassingbé. Une lutte qui a occasionné des pertes en vies humaines trop importantes pour un petit pays comme le Togo. Malgré la détermination populaire, le régime RPT/UNIR s’accroche et tente toujours de résister à l’avènement de l’alternance politique.

Eh bien ! L’alternance politique, qu’est-ce que c’est ? Selon le dictionnaire Larousse, l’alternance politique est une « succession régulière au pouvoir de partis ou de coalitions de partis, dans le cadre des institutions existantes ». Plus loin dans nos recherches, nous avons trouvé des définitions qui nous semblent aussi appropriées. L’une d’elles présente l’alternance comme le « passage au pouvoir d’une tendance politique à une autre ». Une autre définition explique que « l’alternance politique se produit lorsque des partis appartenant à des courants politiques différents se succèdent au pouvoir. En pratique, l’alternance consiste généralement en un renversement de la majorité politique lors d’élections présidentielles et/ou législatives ».

En français facile, on parle d’alternance politique quand l’opposition accède au pouvoir et le parti ou la coalition de partis au pouvoir passe dans l’opposition. On peut citer pour exemples les cas du Ghana, du Bénin, du Burkina Faso où des présidents de différentes tendances politiques ont accédé au pouvoir à la suite d’élections. L’exemple des Etats-Unis où démocrates et républicains se succèdent à la Maison Blanche est édifiant, ou encore de la France qui a une longue tradition d’alternance politique.

Pareille situation ne s’est pas produite au Togo depuis 1967. C’est donc une erreur de la part du « sage » Agba de dire que « nous sommes déjà dans l’alternance ». Le passage de Gnassingbe Eyadéma à Faure Gnassingbé Eyadéma – souvent, ceux qui ont fait la période du père ajoutent Eyadéma en désignant le fils – ne constitue en rien une alternance. Même au sein d’un parti, quand le fils succède au père, il n’y a pas de changement de tendance et partant, pas d’alternance. D’ailleurs, l’alternance que réclament les Togolais ne peut pas s’opérer au sein d’un même parti.

Malheureusement, ce sont ces genres de discours faisant croire que l’alternance a été réalisée par l’arrivée au pouvoir de Faure Gnassingbé qui sont servis lors des rencontres avec les populations de certaines localités du pays. « Quand Eyadéma est parti et Faure est venu, n’est-ce pas l’alternance ! », racontent-ils pour embrouiller les populations. Il nous souvient également qu’au moment des débats sur la nécessité de limiter à deux le mandat présidentiel, un langage similaire mensonger a été tenu. Les courtisans de la minorité ont estimé, à tort, qu’avec une nouvelle Constitution, les mandats précédents effectués par Faure Gnassingbé ne devraient pas être comptés. Comme si 2005, 2010 et 2015 n’ont jamais existé dans la vie des Togolais. Quinze ans de néant.

Que dire alors de cette déclaration de Charles Kondi Agba ? Il s’agit sans nul doute d’une nième provocation à l’endroit du peuple togolais qui souffre dans son âme de cette dictature implacable qui l’empêche de se développer et de montrer davantage au monde ses potentialités. Cela peut aussi être considéré comme une insulte à l’intelligence collective des Togolais. Sinon, comment comprendre qu’une personne nommée chef des sages de son parti puisse parler d’alternance quand un fils succède à son père ?

Dans tous les cas, il n’est pas juste de se fier à l’âge d’une personne, surtout un responsable politique d’un parti pro-dictature, pour croire à ses propos. C’est pourquoi dans le livre de Job 32 au verset 9, la Bible prévient : « Ce n’est pas le grand nombre d’années qui procure la sagesse, ce n’est pas la vieillesse qui permet de discerner ce qui est juste ».

G.A.

source : Liberté

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